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mercredi , 13 novembre 2024
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Deux ans pour convaincre

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Quand on commence un emploi, c’est souvent 3 mois d’essai avant de signer son contrat d’embauche définitif. On sait que cette période est cruciale, l’employeur peut à tout moment mettre fin à l’emploi sans aucun préavis, mais on a tendance à penser qu’une fois ces 3 mois passés on est d’avantage protégés. Malheureusement non, la date « magique » au Québec, c’est deux ans. Tant que vous n’avez pas dépassé cette date, votre employeur peut mettre fin à votre contrat sans motif. La seule chose qui change par rapport aux trois premiers mois, c’est le préavis. Moins de 3 mois, pas de préavis, de 3 mois à un an, une semaine et de un an à deux ans, deux semaines. Par contre souvent l’employeur va préférer payer ce préavis et vous libérer le jour-même. Il n’y a aucun recours à ce congédiement, votre employeur ne doit justifier ni faute, ni cessation d’activité, ni ralentissement économique, il n’est pas tenu de vous accompagner ni de vous donner les moyens pour atteindre les objectifs. Je sais, c’est dur…

Vous allez peut-être vous demander : pourquoi laisser partir quelqu’un qui a fait la job jusque là, ou à l’inverse pourquoi est-ce que tout le monde n’utilise pas cette clause pour toujours recommencer avec des jeunes payés moins chers qu’on peut virer quand on veut, pour peu qu’on ne laisse pas passer ces 2 ans ? Il y a plein de raisons, qui dépendent de votre emploi et du type d’industrie dans lequel vous travaillez. Je vais prendre mon exemple, le jeu vidéo.

Dans mon studio on n’applique que très rarement cette clause. Quand j’embauche du monde, ça prend du temps. J’ouvre un poste, je me déplace dans les différentes écoles et programmes pour rencontrer les étudiants avec du potentiel, je présente le studio et je les rencontre un par un, je passe à travers tous les portfolios que les RH reçoivent, je rencontre les candidats, une heure chacun au moins, et une fois que la sélection est faite on fait enfin notre offre. C’est long et quand on a enfin choisi notre perle rare, on y tient. On accueille notre ressource, on l’encadre, on l’accompagne, on l’intègre à nos équipes, on prépare avec lui son plan de développement, on se voit régulièrement en entretien individuel pour faire le point. Bref, si je ne me suis pas rendu compte dans les premières semaines que je me suis trompé, j’investis dans cette ressource. Pendant un an et demi, deux ans, cette ressource n’est pas pleinement profitable au studio, c’est après cette période qu’elle devient assez autonome et expérimentée pour vraiment apporter. Donc partant de là, je n’ai aucun intérêt à la laisser aller juste avant !

Mais, parfois, cela peut arriver que malgré tout notre travail d’encadrement, la ressource ne se développe pas comme on s’y attendait. Qu’on sente qu’elle plafonne déjà au bout d’un an et demi. Que sa motivation n’est plus la même qu’à son arrivée et que rien n’indique que ça va s’améliorer. Pire, il se peut que notre pipeline ait tellement changé depuis son embauche qu’elle ne corresponde plus à nos besoins actuels. Dans ces cas-là, il vaut mieux intervenir et procéder au congédiement que d’attendre deux ans et devoir monter des dossiers.

Toujours pour rester dans mon domaine, certains studios abusent de cette clause. Ils engagent beaucoup de finissants avec une expertise très spécifique à leur projet en cours et les laissent aller dès le projet fini pour embaucher d’autres finissants plus adaptés à leur prochain pipeline. Ils sauvent des coûts, c’est certain, mais ne bâtissent pas de culture d’entreprise, ne développent pas l’appartenance et la rétention et l’embauche deviennent difficiles. Dans un milieu aussi concurrentiel, vous ne pouvez pas impunément traîner une mauvaise réputation.

Soyez donc vigilants quand vous allez approcher du terme de vos deux premières années, peut-être que votre patron va vouloir vous tester un peu, vérifier certaines choses avant d’être certain de vous garder. Prenez-le de façon positive, si vous êtes bon et motivé dans ce que vous faites, ça va aller !

Vous allez me dire, après ces deux ans, est-ce qu’on est tranquille ? Oui et non. Après ça il y a trois façons en gros de perdre son emploi :

– la mise à pied temporaire : le projet sur lequel vous travaillez s’interrompt du jour au lendemain (le client a brisé le contrat par exemple), toute l’équipe peut être mise à pied de façon temporaire si votre entreprise ne peut pas l’absorber dans sa production. Dans ce cas-ci, le lien d’emploi n’est pas brisé, vous restez officiellement lié pendant 6 mois à votre employeur, il est tenu de vous rappeler si l’activité reprend, il ne peut pas embaucher de nouvelle ressource pour le même type d’emploi. À la fin de ces 6 mois par contre, vous recevez votre 4% et le lien d’emploi est définitivement brisé (avec possibilité d’indemnisation selon les compagnies et selon votre ancienneté).

– le licenciement économique : un peu le même cas que précédemment, mais si votre employeur sent qu’il ne va pas être capable de vous ramener en production dans les 6 mois et que le creux va être plus long, il peut procéder à des licenciements. Les causes doivent être complètement objectives (dates d’embauches, toute l’équipe d’un même projet, etc.) Si les employés semblent être « choisis », c’est un congédiement déguisé et l’employé a des recours. Il y a des lois qui encadrent cette procédure, quand on dépasse un certain nombre par mois, la presse est prévenue.

– le congédiement pour faute : ça c’est la procédure classique quand on se fait virer. On fait quelque chose qui ne va pas, on se fait rencontrer quelques fois et si ça ne s’améliore pas, on se fait congédier avec ou sans indemnité selon la faute. Ce type de congédiement est très encadré aussi, l’employeur doit avoir tout mis en oeuvre pour aider son employé à s’améliorer et doit lui avoir donné le temps et les ressources pour atteindre ses objectifs. Sous peine de devoir réintégrer l’employé. Si c’est une faute grave, évidemment, ça ne s’applique pas.

Je ne rentre pas trop dans les détails de ces trois dernières procédures, beaucoup de sites en parlent, vous pouvez lire cette page par exemple :
http://www.lecourshebert.com/droit-du-travail-Les-Principes-et-regles-du-Congediement-licenciement-au-Quebec.html
Dans ce lien, vous pourrez aussi trouver quelques motifs qui ne sont pas valides pour un congédiement avec motif :
http://www.educaloi.qc.ca/capsules/les-motifs-interdits-de-congediement-et-de-sanctions

Le but de mon billet était surtout de vous parler de cette clause des deux ans, gardez-là en tête pour ne pas vous sentir « intouchable » une fois votre contrat signé 🙂

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Écrit par
Soulman

Arrivé en mars 2007 à Montréal, Soulman a très vite posé ses valises à Québec, moins de 4 mois plus tard. Auteur BD édité en Europe, un studio lui a laissé la chance d'entrer dans le monde du jeu vidéo et de l'animation en tant qu'illustrateur. Il est devenu par la suite directeur du département artistique. Voici ces billets culturels et sur la ville de Québec.

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