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Trois candidats, trois immigrations

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Si vous êtes déjà au Canada ou si vous suivez de près l’actualité canadienne, vous savez que nous sommes en pleine campagne électorale fédérale. On pourrait en dire bien des choses mais il y a un sujet qui a attiré mon attention. Pour être plus précis, une circonscription en particulier.

Il s’agit de la circonscription de Papineau sur l’île de Montréal (à ne pas confondre avec la circonscription de Papineau dans l’Outaouais au niveau provincial). Par ordre alphabétique, les candidats en lice sont: Viviane Barbot (Bloc Québécois), Ingrid Hein (Parti Vert), Mustaque Sarker (Parti Conservateur du Canada), Justin Trudeau (Parti Libéral du Canada) et Costa Zafiropoulos (Nouveau Parti Démocratique).

Pourquoi cette circonscription sur les centaines en jeu durant cette campagne ? Parce que les candidats des trois principaux partis au Québec (conservateurs, libéraux et bloquistes) symbolisent tous une facette de l’immigration québécoise selon moi. Prenez Justin Trudeau : le Canada actuel qu’on connaît depuis plusieurs décennies, dans sa réputation internationale de pays multiculturel, c’est à son père qu’on le doit, Pierre-Elliot. Il n’est pas exagéré de dire que pour tout immigrant arrivé au Canada dans les années soixante et soixante-dix, Pierre-Elliot Trudeau symbolise à lui seul cette grande idéologie de la mosaïque multiculturelle canadienne qui hypnotise encore aujourd’hui bien des aspirants à l’immigration canadienne. D’ailleurs, lorsque les militants libéraux de Papineau ont dû choisir leur candidat, il y avait beaucoup d’immigrants italiens ou grecs d’un certain âge qui avaient fait tout spécialement le déplacement pour appuyer Justin. Pas parce que Justin est Justin mais parce que Justin est le fils de Pierre-Elliot : pour eux, appuyer le fils – qui ne dit pourtant pas vraiment de choses intéressantes et qui n’a encore rien accompli de significatif – c’est rendre hommage au père. Même si Justin n’a pas l’envergure intellectuelle et encore moins le charisme électrisant de papa.

Allez parler à ces immigrants et vous verrez qu’à l’instar d’un certain Kennedy chez nos voisins du sud, Trudeau est un nom magique, quasi-divin. Trudeau et sa vision de l’immigration, c’est l’équivalent canadien de l’american dream aux États-Unis : libertés individuelles, respect des cultures, paix, démocratie, prospérité et diversité culturelle le tout verni d’un bilinguisme officiel de rigueur. Pour tout un tas de raisons, c’est une vision qui n’a jamais marché au Québec. Et pour tout un tas d’autres raisons, c’est une vision qui continue de marcher encore dans le reste du Canada. Bref, fiston a beau dire sur toutes les tribunes qu’il veut qu’on le reconnaisse pour ses propres idées, il ne crache pas sur le potentiel électoral de l’héritage familial (et il serait stupide de ne pas en profiter).

De l’autre côté, nous avons la bloquiste Vivian Barbot, d’origine haïtienne. C’est une autre facette de l’immigration québécoise : celle qui est d’abord et surtout attachée au Québec au point de ne pas haïr l’idée de se détacher, justement, du reste du Canada (le Bloc Québec est un parti ouvertement séparatiste). Une immigration tout aussi impliquée et bien intégrée à la société québécoise et qui croit au combat pour la défense du fait français au Québec. Tout comme le très caucasien Justin Trudeau pourrait incarner ce mythe de l’immigration canadienne colorée venant des quatre coins du monde rêvée par son père, l’haïtienne et l’immigrante Vivian Barbot pourrait démonter cet autre mythe faisant croire que le projet souverainiste québécois n’est encore et toujours qu’une affaire de québécois de souche, blancs, de tradition catholique et s’appelant uniquement Tremblay, Fontaine ou Gagnon. Car en effet, comment continuer à avancer que le mouvement indépendantiste québécois n’est que l’expression d’une certaine frange de québécois de souche, xénophobes, passéistes et ne voulant rien savoir de ce qui vient de « l’extérieur » quand ce mouvement peut compter, entre autre, sur la très féministe et très haïtienne Vivian Barbot dans ses rangs ?

Il est étrange de voir comme on a aucune difficulté à ce que Justin Trudeau symbolise la mosaïque multiculturelle canadienne mais qu’on a bien de la misère à ce que Vivian Barbot puisse cautionner le souverainisme québécois.

Ce sont ici deux visions de l’immigration québécoise qui ont toujours été en conflit : une vision multiculturelle qui veut faire table rase de tout le passé pour bâtir une nouvelle race canadienne issue du brassage culturelle une fois complété dans quelques générations et une vision interculturelle qui veut rappeler que rien de nouveau ni de bon ne peut émerger si l’on ne tient pas compte justement de qui est déjà autour de la table. Chacun sa vision : pour ma part, je pense avoir exprimé ma préférence pour la vision interculturelle dans suffisamment d’occasions.

Et il y a Mustaque Sarker, du Parti Conservateur du Canada. Originaire du Bangladesh et au Québec depuis plusieurs années, Mustaque Sarker pourrait bien représenter cette troisième facette de l’immigration québécoise : très impliquée aussi dans sa communauté, bien intégré professionnellement mais ne parlant pratiquement pas la langue officielle du Québec, le français. Ce qui, d’un point de vue de stratégie politique, est assez suicidaire sachant que les deux tiers de l’électorat de Papineau utilisent uniquement le français au travail. Mais ce n’est guère surprenant lorsqu’on sait que les conservateurs ont toujours eu de la difficulté à faire élire des députés en milieu urbain (aucun député conservateur dans Toronto, Vancouver et Montréal aux dernières élections fédérales en 2006). Surtout,  difficile de concurrencer un gros nom comme Trudeau et une battante comme Barbot.

Il est donc intéressant d’avoir ces trois visages symbolisant assez bien trois facettes de l’immigration québécoise. Pour autant, être pro-multiculturaliste à la manière Trudeau ne veut pas dire qu’on n’a pas à cœur la préservation du français et de la culture québécoise. Tout comme adhérer au projet souverainiste porté par Barbot fait de vous un anti-canadien. Et enfin, on aura compris que voter pour Sarker, cela ne signifie pas qu’on a rien à faire du français. C’est une lapalissade que de dire que la réalité est beaucoup plus complexe que cela. Et surtout, que l’immigration québécoise, dans toute sa diversité, ne peut se résumer à trois candidats.

Mais de l’autre côté, on ne peut pas faire abstraction des idées et des projets portés par les partis que représente chacun de ces candidats : quelque soit la personne qui sera élue à Papineau, elle sera soumise à la fameuse ligne de parti. Ici en l’occurrence, nous parlons de la conception de l’immigration et surtout de sa place que les partis en question souhaitent lui donner au sein de la société québécoise.

En somme, tout le monde veut que l’immigrant se sente bien ici et qu’il participe activement au développement de la société québécoise. Chacun cependant propose son propre chemin pour y parvenir. Ce qui veut dire que quelque soit la complexité de la réalité, il n’en reste pas moins qu’il faudra choisir pour l’un de ces candidats le 14 octobre prochain.

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