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vendredi , 4 octobre 2024
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Une balade dans Toronto

Cette fois-ci je vous emmène avec moi à travers la ville. Il va falloir prendre votre vélo pour me suivre sur mon trajet, et prendre votre dictionnaire, si vous avez quelques lacunes en anglais. Pas de panique ! Tout ceci est purement virtuel et ne requiert qu’une bonne dose d’imagination. C’est parti !

Il est 7h12 et mon portable me rappelle qu’il est temps de se lever. Je prends un malin plaisir à me réveiller chaque jour à une heure différente et jamais, non jamais, à l’heure pile ! J’ai banni les 7h00, les 6h30 et même les 7h45 ou autre 6h15, juste pour ne pas faire comme tout le monde et aussi pour pouvoir changer de minute chaque jour.
Donc aujourd’hui c’est 7h12 et ça sera peut être 7h08 demain ou 7h14, on verra !

J’ai le temps de prendre mon petit déjeuner devant mon ordinateur et papoter avec ma famille et mes amis sur msn. J’ai aussi le réflexe e-mail et immigrer.com (je suis comme tout le monde, il me faut ma dose de forum pour bien commencer la journée).
Ensuite, je prends une douche (ça vous rassure, non ?), mets mes habits de travail dans mon sac à dos, enfile un jean, un sweat et des baskets et sors de chez moi.

Il est environ 8h30 quand j’enfourche mon vélo et le laisse glisser jusqu’en bas de la rue.
Droite sur Dovercourt, j’ai de la chance, ça descend toujours, puis 2ème à gauche.
Je passe devant une école et croise des enfants qui s’y rendent, certains sont déjà (ou encore ?) en train de jouer dans le parc adjacent.

Au bout de la rue, je tourne à droite sur Shaw, traverse Queen Street, puis tourne à gauche sur Adélaïde. La rue est en sens unique et il n’y a pas trop de voitures. L’air qui au début me glaçait les mains, me caresse le visage, je n’ai plus froid et je me dis que ce trajet devrait durer toute la journée, puis la rue monte et je me demande si je vais réussir à pédaler jusqu’au travail !
Cette rue est magique, les maisons sont belles, toutes en briques et bien entretenues, c’est calme, une sorte de petit paradis à quelques pas des grandes avenues. Ca doit forcément être hors de prix, mais ça ne m’empêche pas d’apprécier la balade.

Une fois Bathurst passée, la rue change complètement de visage. Même si elle reste en sens unique, elle devient une quatre voie et les immeubles prennent de la hauteur. Le quartier financier n’est plus qu’à quelques blocs.
C’est là qu’il faut commencer à faire plus attention et éviter de trop regarder les grattes ciels. Les gens sont pressés, les livreurs s’arrêtent sans prévenir et les taxis n’hésitent pas à couper la route sans prévenir.
York, Bay, Yonge, Victoria, enfin …. ! Je descends mon vélo dans le parking de l’immeuble puis prend l’ascenceur jusqu’au 6ème.
Je fonce dans les toilettes, me change et rejoins mon cube de travail.

Je dois avouer que plus le temps passe et plus mon « cubicle » me ressort par les yeux. Deux cloisons d’un côté et le mur en face ! Mais bon pas le choix, tout le monde ou presque travaille dans un cube, les plus anciens font face à la fenêtre, les veinards et les managers ont droit à un vrai bureau.

Il est 9h, j’allume mon ordi et me log sur le système téléphonique, je vous rassure, je ne travaille pas dans un call center ! Les appels sont peu nombreux et l’on n’est que trois à répondre au téléphone.
J’ai la chance d’être la seule à parler français, donc d’être demandée, pardon réquisitionnée dès que c’est en français et je dois dire heureusement car ça évite pas mal la routine.

Je me souviens de mon premier jour. Ils avaient tous fait des heures supplémentaires la veille car c’était le jour de publication des résultats des examens de décembre, la directrice avait amené une boite géante de beignets Tim Horton’s. Je l’ai suivi dans la pièce et six personnes se sont penchées en dehors de leur cube et m’ont regardée.
La directrice leur a annoncé que leur collègue allait partir dans deux semaines et que j’étais là pour la remplacer.
Tout le monde m’a parlé comme si l’anglais était ma langue maternelle et je me suis dit « oh mon Dieu, mais ils ne croient tout de même pas que je suis bilingue à ce point ».
A ce moment précis, j’étais partagée entre l’envie de partir en courant et celle de rester pour me prouver à moi-même que je ne suis pas plus bête qu’une autre et que je vais y arriver.

Le premier jour passe vite, je ne suis pas au téléphone. Deuxième jour je réponds uniquement aux e-mails, troisième jour ma manager vient me voir pour me faire une formation express, puis me demande « Do you have any problems taking phone calls in English? »
Je réponds que non, bien sûr, j’ai travaillé pour The Economist avant et que donc j’utilisais l’anglais quotidiennement.
La réponse semble lui convenir puisqu’elle me dit que je serai au téléphone dès le lendemain.
Ca met quelques secondes à arriver jusqu’à mon cerveau, mais je réalise soudain que je vais donc travailler principalement en anglais et prendre les quelques appels français « en plus ».
Et là, une fois de plus, une image de moi en train d’attrapper mon sac et de cavaler vers la sortie en bousculant tout le monde sur mon passage me vient immédiatement à l’esprit, je respire un grand coup en me disant « ça va bien se passer, ça va bien se passer ».

Mon premier appel a été une catastrophe, pas à cause de l’anglais, mais à cause du fait que je n’étais pas assez formée et que je n’avais aucune idée de ce que la personne me demandait. L’étudiante était hyper désagréable et me mettait en attente (oui oui !) toutes les 30 secondes en marmonant « you’re taking too much time ». Belle entrée en matière !

Avec quelques mois de recul, je me sens ridicule d’avoir eût peur comme ça.
Tout d’abord parce que mon anglais n’était pas mauvais et qu’il s’améliore très vite, ensuite parce que beaucoup au Canada ont un accent étranger, donc les gens à qui je parle en ont soit un également ou y sont habitués et pour finir parce que je parle français.
C’est marrant mais j’ai des fois l’impression que les gens me mettent sur un piédestal « Oh you speak French! You’re so lucky! », avec le ‘I wish, I could’ et la petite pointe de regret dans la voix.
J’ai ensuite droit, toujours dans le même ordre et de façon systématique :
« Are you from Quebec? »
« Bonn-jowre, comm-enn ça va? » qui est apparemment la seule phrase qu’un bon nombre d’anglophones aient retenue de leurs cours de français.

En quatre mois de travail j’ai déjà eu un premier bilan avec la directrice lorsque j’ai signé mon contrat permanent fin février. Plutôt très positif, du coup j’ai négocié deux semaines de vacances !
J’ai aussi eu un bilan avec ma manager, positif également, du coup j’en ai profité pour lui glisser un « I’d like to improve my english pronunciation » et du coup ils me payent un séminaire d’anglais le lundi après-midi pendant sept semaines.
Ce séminaire est génial, on y apprend non seulement à améliorer sa prononciation par rapport à notre langue maternelle. Par exemple, je dois penser à ouvrir plus ma machoire et je dois faire des petits signes descendants avec mon index pour penser à baisser l’intonnation sur la fin des mots, ridicule mais terriblement efficace.
Je vous rassure, je ne le fais que pendant le séminaire, je vous vois déjà pouffant de rire en train de m’imaginer faire des signes tout en parlant aux gens.
J’apprends aussi des petites astuces culturelles, comme comment recevoir un feedback négatif (d’ailleurs si on parle de feedback c’est forcément négatif, sinon on parle de praise), je sais maintenant que si je suis invitée à un mariage je dois donner un cadeau même si je n’y vais pas, bref j’apprends pleins de choses utiles pour évoluer dans la société canadienne.

Certaines fois je suis heureuse d’avoir tant de chose à apprendre, de me lever pour aller au travail en faisant des plans sur la comète « alors encore quelques mois et tu auras un très bon niveau d’anglais, ensuite ce serait bien de prendre des cours, ou peut être chercher un autre travail, plus dans ma branche … », d’autres je me lève du pied gauche et je me dis « oh non, encore une journée qui va ressembler à la veille, il va falloir encore être à la disposition des autres qui ne savent pas parler français, répondre aux mêmes questions en se faisant appeler Suzie … ».

Ah oui, je ne vous ai pas raconté, mais les gens ne comprennent jamais mon nom. J’ai abandonné et leur laisse croire que mon prénom est ce qu’ils ont compris.
« Customer service Sophie speaking »
« I’m sorry …. who am I speaking to? »
« Sophie »
« oh, hi Suzie / Sylvie / Sofia »

A partir de 16h, tout le monde part, il me reste encore une heure à travailler. Il n’y a presque pas d’appels, alors généralement, l’heure est plutôt aux bavardages avec les quelques collègues qui travaillent tard qu’au travail effectif.

17h, je pars. Direction les toilettes pour enfiler de nouveau mon jean. Le trajet du retour est moins agréable car il y a plus de trafic, mais je suis contente de rentrer tôt chez moi et de ne pas avoir à attendre le street car.
Le printemps est une chouette saison, les gens sont dehors, le quartier est animé et je réalise que mes voisins ont des chiens que je n’avais jamais vu auparavant. C’est mon premier printemps au Canada et Toronto semble avoir plein de choses à offrir. La prochaine fois, c’est promis, on ira s’amuser !

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