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« Le plus grand nombre de nos électeurs étant placés dans une situation particulière, nous sommes obligés de nous écarter des règles ordinaires et sommes contraints de réclamer l’usage d’une langue qui n’est pas celle de l’Empire ; mais aussi équitables envers les autres que nous espérons qu’on le sera pour nous-mêmes, nous ne voudrions pas que notre langage vînt à bannir celui des autres sujets de Sa Majesté, mais demandons que l’un et l’autre soient permis. »

Ces mots sont de Michel Chartier de Lotbinière (1723-1798), député à l’Assemblée du Bas-Canada, lors de son plaidoyer en faveur de sa langue maternelle, le français. Je trouve cette citation exemplaire de la situation du français au Québec. Car trois idées fortes s’y trouvent et plus de deux siècles plus tard, elles caractérisent encore la position québécoise face à la protection de la langue française au Québec.

Première idée forte : « le plus grand nombre de nos électeurs étant placés dans une situation particulière, nous sommes obligés de nous écarter des règles ordinaires et sommes contraints de réclamer l’usage d’une langue qui n’est pas celle de l’Empire ». On ne le répétera jamais assez : la société québécoise forme un ilot francophone au milieu d’un océan anglophone. Et il ne s’agit pas ici de n’importe quel océan anglophone : il s’agit du continent nord-américain. Ça serait insulter votre intelligence que de vous expliquer davantage là où je veux en venir en précisant cela.

Cette cohabitation permanente avec cet océan anglophone est donc cette fameuse situation particulière qui appelle donc des règles extraordinaires pour la gérer. Cela présageait la Loi 101 – deux cents plus tard ! – dont l’esprit apparaît si radical et extrémiste lorsqu’on la regarde loin du Québec mais qui prend toute sa pertinence lorsqu’on se trouve plongé suffisamment longtemps dans la société québécoise. À titre d’immigrant, il me semble important de comprendre cela – non pas que le français soit simplement défendu mais qu’il soit défendu de cette manière spécifique – avant de juger cette loi dure et intransigeante. Cette loi n’est pas parfaite et elle n’a d’ailleurs pas cette ambition. Elle n’est que le reflet d’un contexte précis, d’enjeux spécifiques, d’un espace social donné. Comme le disait Robert Bourassa, ancien premier ministre fédéraliste du Québec (reprenant Napoléon Bonaparte si je ne me trompe pas) : « on a la politique de son territoire ».

Seconde idée forte : « mais aussi équitables envers les autres que nous espérons qu’on le sera pour nous-mêmes, nous ne voudrions pas que notre langage vînt à bannir celui des autres sujets de Sa Majesté ». Là aussi, on ne le répétera jamais assez : tenir à la survivance de la langue française au Québec ne signifie en rien s’opposer à l’anglais, ne signifie en rien vouloir sa disparition de la société québécoise. Il n’y a donc aucune haine et aucun extrémisme à vouloir protéger le français au Québec.

Pour deux raisons principales à mon avis : la première est qu’il y a justement cette cohabitation entre anglophones et francophones sur le territoire québécois. Aujourd’hui, tous sont québécois. La seconde est que les québécois francophones ont à la fois des origines françaises mais aussi nord-américaines. Pour l’immigrant, cela veut dire comprendre que défendre le français au Québec ne signifie pas du tout parler français en tout temps et dans tous les contextes de la société québécoise. Et qu’il n’y a donc aucune incohérence ou contradiction à constater qu’un québécois veuille par exemple, d’un côté, protéger ardemment le français et de l’autre côté, s’assurer que ses enfants apprennent aussi l’anglais pour leur future carrière ou mobilité en emploi. Réduire le québécois à cette « contradiction » revient à lui faire subir exactement ce réductionnisme que vous pourriez vous-mêmes peut-être subir « à cause » de votre couleur de peau ou de votre confession religieuse par exemple.

Troisième idée forte : « mais demandons que l’un et l’autre soient permis. ». Il existe une solide et historique communauté anglophone au Québec qui possède son système scolaire ou encore sa propre structure hospitalière par exemple. Tous les gouvernements québécois – qu’ils soient fédéralistes ou souverainistes – ont toujours pris soin de protéger cette communauté anglophone, considérée à juste titre comme partie intégrante de la société québécoise.

La loi 101 protège justement les droits linguistiques historiques de cette communauté anglo-québécoise. C’est aussi une particularité de la cause du français au Québec que de chercher à protéger cette langue tout en cherchant, en même temps, de protéger celle de la minorité linguistique, cet ilot anglophone dans cet ilot francophone se trouvant lui-même dans un océan anglophone.

Lorsqu’un petit peuple tient à s’assurer de protéger le minoritaire sur son territoire, il est alors peut-être « quelque chose comme un grand peuple » (René Lévesque).

****

Il est fascinant de constater combien les mots mais surtout l’esprit des propos de Michel Chartier de Lotbinière sont prémonitoires d’une réalité encore d’actualité aujourd’hui. Cela montre la constance de l’esprit spécifique de la défense du français au Québec au travers des années. Essayer sincèrement de fournir des efforts pour tenter de comprendre cela, c’est je pense détenir une clé fondamentale de son intégration dans la société québécoise comme immigrant.

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