Face à la grisaille économique qui touche maintenant l’ensemble des grandes villes canadiennes, la région de Québec, tient bon et semble bien résister à la crise : un taux de chômage de 3,8% à rendre jalouse même la riche Alberta, croissance du chiffre d’affaires des principaux centres commerciaux, des édifices à bureaux et des projets de toutes sortes poussant dans plusieurs quartiers… Parmi les villes de plus de 100 000 habitants, seule Regina, capitale provinciale de la Saskatchewan fait mieux avec un taux de chômage de 3,2%. Quel est donc le secret de la santé économique de la région de Québec qui semble parfois encore fermée à l’immigration ?
Bien sur, la bulle du 400e anniversaire célébré l’an dernier a donné des ailes à la ville et à son maire qui ne passe pas une semaine sans annoncer un nouveau projet. C’est comme si Québec vient de changer de statut et que ce changement s’accompagne de transformations économiques qui tombent à point nommé pour aider la ville à résister à la tempête. Il ne faut certes pas prendre pour acquis tout ce que promet Régis Labaume, ne serait-ce que parce qu’il est engagé dans une période de précampagne électorale municipale. Craignant un effet de ressac post-400e, le maire actuel peut en effet multiplier les promesses, le temps de passer le cap des prochaines élections. Il pourrait ensuite invoquer l’aggravation de la crise pour ne pas toutes les tenir. Tout comme, il faut relativiser le faible taux de chômage enregistré. D’un coté, des milliers d’adultes, qui retournent aux études, échappent temporairement au chômage. D’un autre coté, beaucoup de jeunes quittent les régions pour s’installer à Montréal et échappent aussi au chômage dans leur région d’origine. Cela dit, les faits sont là : Québec est dans une période de plein emploi (moins de 5%) et rien qu’en janvier 2009, 3 000 nouveaux postes y ont été crées.
L’économie sauvée par les fonctionnaires
Mais si Québec ne semble pas touchée par la crise, du moins pour le moment, c’est en grande partie parce qu’il s’agit de la capitale de la province et qu’elle peut donc compter sur les 120 000 employés de la fonction publique pour continuer à consommer tout ce que son économie met sur le marché. La ville peut également compter sur les milliers de personnes travaillant pour une les compagnies d’assurances qui ont leurs sièges sociaux dans la région et sur ceux et celles qui travaillent pour les nombreux centres de recherche. Tout ce beau monde, généralement bien rémunéré et bénéficiant d’une certaine sécurité de l’emploi, représente plus d’un tiers de la population active de la région et constitue, au moins temporairement, une sorte de rempart contre les effets de la crise. Cela explique pourquoi les centres d’achats mais aussi les entreprises de service recrutent toujours du personnel, que les mises en chantier de résidences et d’immeubles à logements continuent ou que les voitures neuves trouvent encore des acquéreurs. Pour combien de temps ? Difficile à dire.
Ce que l’on constate seulement, c’est que dans la foulée des festivités du 400e anniversaire de la ville, plusieurs grands projets de plus d’un milliard de dollars ont été lancés ou sont en passe de l’être et qui devraient aider l’économie de la région. En effet, de grands édifices à bureau sont entrain d’être construits sur le boulevard Laurier et dans la basse ville. Le secteur d’Estimauville hérite du projet NeuroCité consistant en la création d’un complexe universitaire et industriel de niveau mondial et voué à la recherche sur le neurone et le cerveau. On y prévoit l’implantation d’une dizaine de grandes entreprises pharmaceutiques et de plusieurs firmes de haute technologie. Le consortium Rabaska, qui projette de construire un port méthanier d’un milliard de dollars sur la Rive-Sud de Québec, vient tout juste d’acquérir ses premiers terrains à Lévis (Rive sud de Québec) pour 2,5 millions de dollars malgré la controverse suscitée par le projet. Pendant ce temps, les décideurs locaux poussent pour d’autres grands projets comme le TGV Québec-Windsor ou le nouvel amphithéâtre.
Bien sur, les prévisions pour 2009 annoncent une légère hausse du taux de chômage mais rien de comparable avec le taux provincial qui atteindrait plus de 8,7% à la fin de l’année. Il y aura sans doute moins de touristes américains en raison de la crise qui secoue le voisin du sud mais cette baisse pourra être compensée par une hausse du tourisme local. Pour plusieurs analystes, le fait, que l’économie locale soit diversifiée et moins dépendante du secteur manufacturier, protège la région des turbulences économiques actuelles. Il faut savoir que sur les 129 000 emplois perdus en janvier au Canada, 101 000 l’ont été dans le secteur de la fabrication. Parmi les secteurs qui créent des emplois à Québec, à l’instar des autres régions du pays, l’on cite les soins de santé et l’assistance sociale. La population vieillit, vit de plus en plus longtemps et les besoins en soins de santé et d’assistance aux personnes âgées augmentent. Québec est parmi les régions qui afficheront un pourcentage élevé des plus de 65 ans, dans les prochaines années. En 2021, une personne sur 4, dans la région, fera partie de cette catégorie contre moins d’une personne sur 5 pour la région de Montréal. C’est dire qu’il y aura des besoins à combler dans ce secteur. Les établissements et autres agences de santé recrutent du personnel et l’on constate un important engouement pour les formations en soins infirmiers dans les Cegeps et les centres de formation professionnelle. Par ailleurs les baby-boomers arrivent à la retraite et une partie d’entre eux doivent être remplacés pour continuer à faire tourner la machine. Tout porte donc à croire que la région de Québec continuera à créer des emplois, à court et à moyen termes, et face au vieillissement de sa population, elle ne pourra pas faire l’économie d’une plus grande ouverture à l’immigration. Cependant, sur le long terme, seule une relance économique dans tout le pays et même aux États-Unis est garante de la prospérité de la région de Québec.
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