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Parlure québécoise : placotons un tit peu…

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Parlure québécoise : placotons un ‘tit peu

Si j’en crois mes esgourdes (et Dieu sait si la nature m’a copieusement gâtée de ce côté-là), le parler québécois a toujours fait recettes (ou débit, c’est selon) auprès des européens francophones. Pour ne m’en tenir qu’au côté gaulois, il semblerait que notre parlature n’emporte pas l’unanimité. Et c’est tant mieux.

On reproche souvent aux francophones de la belle province d’user, voire d’abuser, de termes anglais et d’expressions n’entrant pas dans la sacro-sainte droite ligne du parti gagadémicien (et consorts). C’est oublier un peu vite que nos dictionnaires (made in l’Hexagone) ont tôt fait d’engouffrer en leur sein des termes tout droit sortis des caves de nos chères banlieues. C’est aussi oublier que le ‘frânçais’ s’est bel et bien construit en piochant ça et là des vocables de contrées plus ou moins lointaines, tout en radiant purement et simplement certaines tournures pourtant franco-françaises.

Pour en revenir plus précisément à nos moutons, décortiquons ensemble la parlature d’icitte.

Le québécois, si l’on fait abstraction du tronc commun avec la France (car oui, il existe !), est émaillé d’anglicismes, saupoudré de néologismes, parfumé d’ancien ‘françois’, jonché d’expressions pittoresques. Tout ce petit monde (oui ! ‘monde’ ! On parle de langue vivante, non ?) s’affronte, s’apprivoise, cohabite et se concubine.

Ainsi, à l’instar de la doulce France, le québécois est allé picorer du côté de ses voisins. À la différence près que nos alentours, ici, sont peuplés d’anglophones alors que l’Hexagone bénéficie non seulement d’une diversité notable en terme de pays frontaliers mais aussi d’un poids considérable vis-à-vis de ces derniers. Bien. Ici, les anglicismes existent, notamment dans le domaine de l’automobile. Aussi, vous pourriez vous sentir complètement perdu dans un garage. C’est vrai. Mais les colons français, au XVII ème siècle ne sont pas arrivés avec dans leur poches un lexique complet sur les futures inventions mécaniques. D’ailleurs, savez-vous comment on dit ‘hélicoptère’ en breton, pourtant véritable et vénérable langue celtique et non un patois ? Ça se dit ‘hélicoptère’ (avec l’accent). Et puis, entre nous, les vieux tacots français sont bien souvent pourvue de ‘starter’… L’osmose linguistique aurait donc pu être plus grave.

En France, certains régionalismes perdurent. J’entends par là qu’il subsiste encore des petites poches d’irréductibles (pas seulement bretons) qui utilisent au quotidien des expressions propres à leur région. Changez de coin, et vous changerez un peu de lexique. Pour prendre un exemple concret, l’ordre des repas ‘déjeuner-dîner-souper’ se pratique encore aujourd’hui dans la région de Besançon, entre autre. En France, c’est une exception : Paris a gagné. Au Québec, c’est une généralité. A l’extrême, nous pourrions dire que la Belle Province, en véritable creuset de régionalismes du vieux continent, a réussi le tour de force de fédérer toutes ces expressions éparses dans ses jupons.

Notre parlature continue de choyer certaines locutions qui relèvent davantage de l’archaïsme (quel terme affreux !). Ainsi, on apprend, chez Balzac (si ce n’est pas un bon auteur bien franchouillard, ça !) qu’on barre la porte, astheure (ou a’c’t’heure, si vous préférez). A moins de renier un fleuron de la littérature française, je vois mal comment on pourrait qualifier notre parlature d’abâtardie. Au contraire. Elle s’est battue, notre belle langue, pour survivre. Elle a peut-être des cicatrices mais elle ne s’en sort pas si mal. Les esprits chagrins devront s’y faire.

Ça, c’était la théorie. Passons à la pratique, c’est beaucoup plus rigolo.

Prenons un cas : le mien (Dame oui, c’est encore ce que je maîtrise le mieux). Ou plutôt, celui de mes parents lors de leur arrivée sur le sol canadien.

Le choc linguistique se fit avant même leurs premiers pas en terre québécoise. Dans l’avion qui nous amenait vers notre nouvelle vie, du haut de mes 2 ans, je mis tous mes charmes au jour pour sympathiser avec un jeune ménage québécois. Maman laissa faire. Les rapts d’enfant dans un Boeing en plein vol demeure, somme toute, assez rare. L’homme, ravi de jouer avec une toute petite fille empesée dans ses bourrelets de bébé, se retourna vers ma mère :
‘elle est-tu mignonne ! J’peux-t lui offrir une liqueur ?’
Aïe, aïe ! Maman lui lança une regard noir, et récupéra prestement sa progéniture. Quoi ! Voulait-on faire de son bébé une alcoolique avant l’heure (parce que, depuis, je vous prie de croire que je me suis bien rattrapée) ? Ce ne fut que quelques temps après qu’elle compris qu’il ne voulait que me donner, en toute innocence, une boisson gazeuse….

Une autre fois, alors que Maman faisait son épicerie, elle entendit derrière elle une voix enjouée : ‘oh, la belle petite catin !’. Elle se retourna prête à défendre son honneur et sa réputation pour se retrouver nez-à-nez avec sa voisine, laquelle regardait d’un air attendri ma petite soeur dans sa poussette. L’émotion passée, ma mère devina que ce mot, qui faisait bondir en France, était en fait un synonyme de poupée.

Toujours à la même époque, Maman dut faire le plein d’essence. Pendant qu’il remplissait le réservoir de la voiture, l’employé de la station demanda gentiment à maman s’il ‘pouvait checker les tires’. Intriguée, et désireuse de ne pas froisser le jeune homme par son incompréhension, maman répondit par l’affirmative, histoire de voir ce qu’il allait faire. Et la pression des pneus fût vérifiée. Tout bêtement.

Dès son retour à la maison, ma mère s’empressa de raconter cette petite aventure à mon père. Ils formulèrent le postulat suivant : ce qui touche la mécanique est anglicisé. Encore fallait-il savoir jusqu’à quel point. Vivant dans la quasi terreur de blesser leurs interlocuteurs qu’ils appréciaient tant, mes parents se gardaient bien de nommer les choses. Ils les décrivaient. Ce qui non seulement compliquaient sérieusement les échanges mais aussi donnèrent lieu à des situations pour le moins cocasses. Un jour, mon père eut besoin de clous. Il alla à la quincaillerie du coin afin de s’en procurer. Mais comment diable dit-on ‘clou’ en québécois ??? Papa entreprit donc de décrit le-dit objet :
‘Bonjour ! Je cherche quelque chose en métal pointu’
L’employé se gratta la tête, partit au fond du magasin pour en ramener un objet qui semblait correspondre aux attentes paternelles.
‘Non, ce n’est pas exactement ça. Il y a comme une plate-forme, au sommet….’ Bref, les explications de mon père devinrent par la force des choses de plus en plus confuses, et le pauvre employé, de plus en plus perdu. Finalement, ce dernier baissa les bras et partit quérir son boss. Papa se senti horriblement las, d’un coup. Lorsque le patron de la quincaillerie s’enquit de la demande de ce client de prime abord si difficile, mon père se résigna à faire l’impensable : utiliser le terme qu’il connaissait :
‘Je veux des clous’
Furieux, le supérieur se retourna alors vers son pauvre employé éberlué et lui tonna :
‘Ben quoi ? Il veut des clous !’
Un sentiment de culpabilité taraude encore mon père aujourd’hui.

Sur ce, je serre mes affaires et me retire sur la pointe des pieds. Et je n’oublierai pas de barrer la porte derrière moi, histoire que vous ne pogniez pas de rhume. Il ne faudrait pas que je vous magane de trop.

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