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Et après ?

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Peut-être avez-vous maintenant le même sentiment de lassitude que moi lorsque, regardant la télévision – en particulier Radio-Canada – je tombe sur un énième documentaire ou reportage traitant d’enjeux écologiques, de dégâts environnementaux, du réchauffement climatique, etc. Plus capable.

En matière de comportement écologiquement responsable, j’estime pourtant être le citoyen moyen : je composte, fais mon tri consciencieux entre matières recyclables et non recyclables, fais attention à ma consommation d’eau, ai définitivement banni les sacs plastiques. On peut débattre pendant des heures du bien-fondé scientifique du phénomène de réchauffement climatique, disons simplement que je suis convaincu que je dois faire ma part – et, que voulez-vous, ça me fend le cœur de voir à la télévision une tortue de mer s’étouffer avec un sac plastique qu’elle a pris pour une méduse. Mon sentiment de lassitude vient du fait que ça ne me tente plus d’entendre parler des dégâts et autres problèmes écologiques. À chaque fois, j’ai la même question en tête : on fait quoi maintenant ?

J’ai le même sentiment lorsque j’entends parler du dossier des accommodements raisonnables. Plus particulièrement lorsque j’entends les mêmes formules creuses et vides qui ne font qu’enfoncer des portes ouvertes. Ces phrases qui disent « qu’il faut dialoguer », « que nous devons accepter l’autre dans sa différence tout en lui demandant de respecter la société d’accueil », que « la diversité culturelle est une richesse pour la société québécoise » ou encore que « l’avenir du Québec passe par le respect du groupe culturel majoritaire tout en reconnaissant l’apport des nouveaux arrivants ». Évidemment, tout cela est souvent dit avec la voix tremblante d’émotion et la main sur le cœur pour rajouter la petite touche de solennité qui sied à ce genre de déclaration.

Entre vous et moi, à moins bien sûr d’être explicitement et radicalement xénophobe, n’est-ce pas ce que tout le monde au Québec désire ? C’est comme si le chef d’un nouveau parti politique disait que son parti, lui, hé bien il a pour mission d’œuvrer pour le « bien-être du Québec ». Grosse nouvelle : n’est-ce pas ce que tout parti politique se fixe comme mandat ? Ma lassitude est donc que ces formules ne font qu’énoncer que des évidences, déclarer des « vérités » sur lesquelles tout le monde sera forcément d’accord ou encore, avancer comme des arguments décisifs ce qui relève, en fin de compte, que du gros bon sens le plus élémentaire.

C’est à peu près ça que je retiens d’un énième manifeste, le manifeste pour un Québec pluraliste, qui se présente comme la troisième voie entre ce qui est appelé un conservatisme nationaliste identitaire d’une part et une laïcité absolutiste d’autre part. En fait, il me semble plus juste de parler de la voie du milieu. Mais pas ce genre de milieu qui sait intelligemment prendre le meilleur des deux « extrêmes » pour réellement constituer une alternative intéressante mais plutôt ce genre de milieu qui a pour caractéristique principale de ménager la chèvre et le chou. Je choisis ni l’un et ni l’autre : je choisis les deux. Autre formule creuse, autre « vérité » tellement consensuelle et surtout si élémentaire qui ne nécessite dès lors certainement pas qu’on en fasse un Manifeste. C’est un peu l’histoire de la montagne qui accouche d’une souris.

Bien sûr que tout le monde au Québec choisira les deux : le respect du groupe culturel historique majoritaire ET les immigrants, le sentiment national identitaire légitime ET la diversité culturelle, une certaine liberté religieuse ET la laïcité de l’espace public. La facilité d’une telle prise de position n’a d’égale que son inconsistance : que vaut en effet une prise de position quand elle revient à prendre parti pour tout le monde ? Pourtant, un passage dans ce Manifeste pose des questions très pertinentes appelant à des gestes concrets : 

« Être en faveur de la démocratie, des droits : rien de plus louable. Mais quelle est l’extension précise de ces droits ? Comment définir les limites concrètes de la liberté religieuse ? De la liberté d’expression ? Il en va de même pour la valeur que représente indiscutablement l’égalité des hommes et des femmes. Qu’implique précisément cet engagement, au-delà du respect des lois ? »

Malheureusement, les réponses suggérées restent évasives :

« Le pluralisme des valeurs exige non pas que nous tentions de réduire cette diversité, mais que nous trouvions des moyens de dialoguer et de prendre des décisions communes qui ne gomment pas artificiellement notre diversité. C’est à l’ouverture, à la tolérance et au respect mutuel que nous convie le pluralisme qui est au fondement de nos institutions démocratiques. »

Bien sûr, trouver des moyens de dialoguer et faire preuve d’ouverture, de tolérance et de respect mutuel : rien de nouveau sous le soleil si ce n’est de rappeler ce que tout le monde sait et souhaite déjà … Peut-être que certaines et certains d’entre vous se contenteront avec grand plaisir de ce discours sirupeux – et, en toute sincérité, grand bien vous fasse – qui a cependant le fâcheux défaut d’être très volubile sur ce que nous devrions faire tout en restant muet toutefois sur comment y parvenir concrètement. C’est justement là où je suis rendu : ce n’est plus entendre et réentendre qu’il faut trouver des moyens, ce sont des propositions concrètes de moyens que je veux entendre maintenant ! Sans parler du fait qu’insister aussi lourdement sur la tolérance, l’ouverture, le dialogue, alouette c’est prendre nécessairement une position d’intouchable : en effet, qui osera critiquer la vacuité d’une telle position – comme je le fais précisément ici – s’expose nécessairement aux foudres des bien pensants qui n’hésiteront pas à dénoncer ce « manque d’ouverture », ce « repli identitaire », cette « fermeture à l’autre », cette « étroitesse d’esprit ».

L’un des enjeux du dossier des accommodements raisonnables ne réside pas dans la question de savoir s’il faut les autoriser ou pas : il y a, je pense, consensus au Québec pour les accorder. Le dilemme est bien plus le fait de déterminer des balises claires pour les encadrer. Or, poser des balises, c’est nécessairement tracer une ligne qui fera forcément des mécontents. Cela a par ailleurs l’avantage de ne plus (ou moins) tenir ce discours hypocrite qui professe à tour de bras l’ouverture, la tolérance et le dialogue sans suggérer de gestes concrets. Les idées, aussi « élevées » soient-elles, sont toujours magnifiques mais elles ne servent strictement à rien si elles n’aboutissent pas sur des actions concrètes qui écorcheront nécessairement au passage les idéaux d’ouverture, de tolérance et de dialogue.

Ainsi, parmi les innombrables solutions déjà suggérées, j’ai déjà exprimé le désir de voir nos parlementaires s’assumer en légiférant sur le dossier des accommodements raisonnables pour ne pas laisser les tribunaux – c’est-à-dire des juges, non élus par la population – trancher sur un enjeu aussi délicat. Un bon pas semble avoir été fait en ce sens avec le dépôt de la loi 94 par le Gouvernement du Québec. Et je m’en félicite même si cela ressemble davantage à une réaction qui cherche à mettre un plaster plutôt qu’à une anticipation qui vise à prévenir – ce projet de loi arrive en effet deux ans après le dépôt du rapport de la Commission Bouchard-Taylor.

Mais il n’y a qu’une seule solution qui a toute ma faveur : la modification de la Charte Canadienne des Droits et Libertés, et en particulier son article 27. Évidemment, c’est une solution à envisager si et si seulement on souhaite de vraies balises encadrant réellement les accommodements raisonnables. Par contre, si vous préférez vous contenter de discours mielleux vous rappelant ad nauseam ce que nous savons toutes et tous déjà en nous berçant dans de douces illusions, vous avez effectivement perdu votre temps à lire cette chronique.

Bon congé de Pâques !

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