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mardi , 15 octobre 2024
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Virage professionnel Olé !! Me revoilà…

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Virage professionnel

Olé !! Me revoilà ! Et en grande forme cette fois-ci, rassurez-vous !

Dans ma chronique précédente, j’avais promis de vous parler d’un phénomène étrange, inconnu de moi jusqu’à lors, mais qui m’a sauté à la face récemment…. Chose promise, chose due, je vais donc vous entretenir de ce que j’ai appelé : l’éparpillement professionnel.

Si vous suivez un peu mes chroniques, vous savez donc que le premier jour où je suis partie avec un CV en poche pour chercher du boulot, je ne suis pas allée frapper à n’importe quelle porte. En effet, j’avais déjà dans l’idée de travailler pour une association de la région qui s’occupe de développer et de valoriser l’environnement, en particulier le secteur de la Montagne du Diable. Sans détour, j’ai donc demandé à rencontrer le Big Boss, Môssieur Romain. Au bout de dix minutes d’entretien, il était malheureusement clair qu’il n’avait pas les moyens d’embaucher une personne de plus. Cependant, c’est lui qui, ce jour là, m’a suggéré de collaborer avec mon pote Mario pour créer un centre équestre, et qu’il s’engageait dans ce cas à ce que tous les sentiers de la montagne du Diable me soient accessibles. Dès ce premier jour de recherche d’emploi active, l’occasion de réaliser mon rêve de gamine était déjà à ma portée….
Sitôt dit, sitôt fait, je me suis donc lancée dans mon plan d’affaire, et au mois de juin, j’ai ouvert les portes de ma baby compagnie : « Windigo Découverte ». Et d’un….

Puis, après une saison d’été que je qualifierais de « pas pire », sont venues les périodes dites « creuses », voire disons-le sans détour, carrément mortes….
L’idée de trouver un autre travail commençait déjà à me trotter dans la tête, et c’est là que, sous les pressions de mon ami Kees, je suis allée postuler pour un poste d’infographiste à temps partiel. Autant dire tout de suite que j’y suis allée à reculons, car rien que le mot « d’infographiste » me laissait perplexe. Finalement, après avoir rencontré la patronne du journal local, je suis revenue avec un boulot de journaliste pigiste ! Et de deux….

A la fin de l’été, ma voiture décide de me laisser tomber…. Je constate alors l’urgence de trouver un « vrai » travail pour pouvoir payer les réparations de mon char et passer l’hiver au chaud. Pas question cependant de laisser tomber Windigo Découverte qui est l’emblème de mon rêve québécois, ni le journalisme qui est une job franchement passionnante même si ça paye 2 factures sur 10.
Sans trop chercher, je suis embauchée deux jours plus tard dans une entreprise de Mont-Laurier en tant que secrétaire réceptionniste…. Et de trois !

Je commence déjà sérieusement à jongler avec mon emploi du temps….
L’hiver se passe ainsi…. Et puis vient le printemps, et ses montées de sève….

Un beau jour, je reçois un appel téléphonique d’un gars qui veut créer un nouveau journal sur les camions…. Il a eu mon nom par l’ami d’un ami, et il veut que j’écrive des articles….Je lui dit franchement que je le remercie, mais que je n’ai pas vraiment de temps à y consacrer. Et puis les camions, j’aime ça, mais je n’y connais rien. Le monsieur en question me jure que ça ne me prendra pas beaucoup de temps, que c’est bien payé, et pour finir de me convaincre, il me dit qu’il est co-actionnaire de la grosse imprimerie de Mont-Laurier, et co-propriétaire de la seule et unique radio locale….Le mot « réseau » danse devant mes yeux et devant l’argument massue, j’accepte…. Il y a des invitations qui ne se refusent pas….
Et de quatre…. Vous suivez toujours ?

Un jour où je n’avais rien de spécial à faire (ça commence à se faire rare….), je décide de rendre visite à un ami qui a ouvert une tannerie traditionnelle. Il a monté sa compagnie un an avant moi, et on s’était connus lors du concours québécois en entrepreuneuriat. On jase pendant toute l’après-midi, il me fait visiter son antre, et me décortique le processus de tannage, qui consiste à préparer les peaux que lui ramènent les trappeurs et chasseurs de la région. Castors, ratons laveurs, ours, loup, coyote, il y a de tout. Ca m’intéresse beaucoup.
Il me dit que son principal problème réside dans le fait qu’il a tellement de demandes qu’il passe tout son temps à tanner ses peaux et qu’il n’a donc pas le temps de les vendre ! Un petit démon me murmure à l’oreille…. Je sais que je dispose du réseau de connaissances nécessaires à ce genre de commerce. Il serait facile pour moi de lui emprunter quelques peaux et d’aller les vendre, moyennant une certaine commission, à tous mes chums qui ont des pourvoiries pleines de touristes…. Pour mon copain Clément, l’affaire est déjà conclue, et on décide de se recontacter à la fin du mois d’avril….Je rentre chez moi en pensant à tous ceux qui sont persuadés qu’en région, il n’y a pas de travail…. Et je rigole. Et de cinq…. presque….

Sur ces entrefaites, mon pote Romain me téléphone. Vous savez, celui de l’association ? Il voudrait que je participe occasionnellement au montage d’un projet touristique pour développer un circuit de canot camping sur la rivière du Lièvre. Il faut rédiger le projet, le présenter pour avoir des subventions, suivre son état d’avancement etc…. Là, ça m’intéresse tellement que je ne réfléchis même pas et j’accepte…. et de Six….

Je raccroche le téléphone et je me rassois. J’ai la tête qui tourne. C’est à ce moment précis que j’ai pris conscience de ce phénomène d’éparpillement professionnel et de ses dangers potentiels. Alors qu’en France je ne m’intéressais qu’à peu de choses, je me découvre au Québec un intérêt pour tout ce qui m’entoure. Le fait que tout soit à l’état brut dans mon coin de pays me donne le vertige. Tout est neuf, tout est à construire, tout est à faire. Et j’ai envie de participer à tout !
Je me souviens alors d’un dicton du genre « qui trop étreint mal embrasse ». En clair, plus je vais vouloir en faire, plus ça risque d’être superficiel. Je le sais, je le sens. Déjà, force est de constater que je n’ai pas été voir mes chevaux depuis une semaine. Mario est là pour s’en occuper, d’accord, mais est-ce une excuse ? Et puis qui va préparer les nouveaux poneys pour la prochaine saison ? Qui va trouver le temps de nettoyer le matériel, de réécrire le site Internet, de s’occuper de la campagne de promotion ? Qui va s’occuper de mes comptes, de répondre à mes e-mails, d’écrire les chroniques pour immigrer.com ? Qui va avoir le temps de s’adonner aux quelques loisirs que je m’étais consacré, à savoir d’apprendre à jouer de la guitare ou à parler espagnol ? Gagner de l’argent est une chose, mais peut-être est-il bon de faire une petite sélection des moyens d’y parvenir… Sans compter que plus on bosse, moins on a de temps pour les amis. Et vu que pour un immigrant c’est déjà rare d’en avoir, il faudrait peut-être penser à ne pas les négliger.

Une remise en question est donc nécessaire… Elle viendra toute seule, par la force des choses.

Vers la fin d’un bel après-midi ensoleillé, le patron de l’entreprise où j’étais secrétaire réceptionniste me convoque dans son bureau. Avec sa façon si particulière d’exposer les faits, Il arrive à me faire croire que je vais être augmentée, pour ensuite me faire penser qu’il va me changer de poste, pour finalement me faire comprendre que j’étais virée…. Les raisons sont obscures, il sent que je suis démotivée (à faire du classement toute la journée, qui ne le serait pas ?), il sait que je suis capable de faire mieux, et il ira même jusqu’à prétendre qu’il me rend service….

A ma grande surprise, le ciel ne me tombe pas sur la tête, et je sens même un petit vent de libération me caresser le visage. Il faut dire que ce poste me rappelait trop celui que j’occupais à Paris, par son côté inintéressant et alimentaire. En tout cas, je ne voyais clairement pas l’intérêt d’avoir quitté ceux que j’aimais pour retrouver ça.
Ceci dit, c’était quand LE job qui me faisait réellement vivre pour le moment…. Et en Amérique du nord, lorsque vous êtes viré, on ne vous laisse pas le temps d’y réfléchir. Une demi-heure après, j’étais déjà revenue chez moi, avec un chèque équivalent à une pauvre semaine de préavis.

Malgré tout, le petit vent de libération qui me chatouillait les naseaux ne m’a pas lâchée. Je suis montée à la ferme pour annoncer avec un grand sourire que j’avais été virée, ce qui a failli faire tomber ma copine Lucie dans les pommes. Même répercussion dans ma famille de France, qui a appris la nouvelle par téléphone. Et c’est là que ça devient intéressant d‘un point de vue sociologique !
L’approche a, je trouve, été complètement différente. Là où Lucie voyait le côté pratique des choses (comment tu vas bouffer ?), ma famille a plutôt eu le réflexe de considérer le côté « honteux » de l’affaire (Tu t’es fait virer ? On ne s’est jamais fait viré nous !! – Ce à quoi j’ai failli répondre en regard aux récents évènements concernant le CPE : « Ben non, parce que personne n’a pu ! »). Mais laissons là les divergences culturelles, le principal étant que tout le monde s’inquiétait équitablement de mon sort.

Pour rassurer toute la gagne, j’avais donc le devoir de démontrer que l’assurance que j’affichais était bien fondée. En effet, je n’avais aucun doute sur le fait de retrouver un travail dans les tous prochains jours. Mon réseau de relations était encore mince, mais j’entrevoyais malgré tout quelques portes qu’il me suffisait d’essayer d’enfoncer.

Ceci dit, j’avais décidé de mettre à profit ce signe du destin pour recentrer mes objectifs professionnels, et échapper ainsi à un éparpillement néfaste. Mes chevaux et mon entreprise restent ce qui reste de plus cher à mon cœur, et il faut absolument que je mette l’accent là-dessus. Hors de question de retrouver une job qui m’oblige à délaisser mon rêve québécois. Un point de réglé, tout devra donc tourner autours de ça. Deuxièmement, je souhaite pouvoir continuer mon boulot de journaliste. Pas que ce soit très payant, mais c’est grâce à ça que j’ai pu commencer à créer un bon réseau de connaissances, et rien n’est plus important par ici. A part ces deux choses là, je suis prête à tout laisser tomber, en attendant d’avoir un peu réorganisé ma vie.

Ayant reconsidéré tout cela, je ne voyais plus qu’un seul eldorado qui me permettrait à la fois de manger convenablement, de m’éclater dans mon travail et de faire la part belle à Windigo Découverte …. Et je suis allée refrapper dès le jour suivant à la porte de…. Romain.
« Romain, ça fait un an que je t’achale pour que tu m’embauches…. Tu vas bien finir par céder ! Alors maintenant, ce serait le temps !! » Romain plisse les yeux et je vois sa moustache frémir, signe d’un sourire discret. « Justement, on parlait de toi l’autre jour…. »

Et à l’heure où je vous parle, je commence mon nouveau travail après-demain…

Des morales à cette histoire, il y en a sans doute plein. Mais je retiendrai surtout ces deux là : « Dieu ne ferme jamais une porte sans ouvrir une fenêtre » et « tout vient à point à qui sait attendre ». Finalement, mon ancien patron avait raison : il m’a effectivement rendu service !

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