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Où sont les hommes ? Patrick…

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Où sont les hommes ?

Patrick Juvet chantait “où sont les femmes”, moi je me demande comme beaucoup de personnes au Canada probablement : y’étaient où les gars (aux Jeux) ?

Parce qu’effectivement, au-delà de l’événement sportif en tant que tel qui a suscité beaucoup de conversations ici et là, UN sujet était devenu récurrent au fil des jours : la performance des athlètes canadiens comparativement à celle de leurs homologues canadiennes. Les Jeux Olympiques de Turin sont finis depuis moins d’une semaine et c’est l’heure de faire les comptes. Au sens sportif du terme, le résultat est très bon : cinquième place pour le Canada au nombre des titres olympiques remportés (7 médailles d’or). Et la troisième place au nombre des médailles (24 médailles), ce qui était d’ailleurs l’objectif minimum que s’était fixé le Comité Olympique Canadien pour ces jeux d’hiver.

Bref, pourquoi on a tant parlé des hommes durant ces jeux ? Petite revue en détail des hommes médaillés d’Équipe Canada à ces derniers jeux : en or, deux médailles sur les sept gagnées (en curling et en skeleton). En argent, cinq médailles sur les dix gagnées (patinage de vitesse aux 5000 et 500 mètres, en bobsleigh, en skeleton et en longue piste poursuite). Et finalement en bronze, une médaille sur les sept récoltées (en patinage artistique individuel). Résultat : sur les 24 médailles canadiennes, la récolte masculine a été de huit médailles soit un rapport final de 1 pour 2. En comparaison, aux Jeux de Salt Lake City en 2002, le Canada avait pris la 4ème place avec 17 médailles mais avait remporté autant de titres olympiques qu’à Turin. Et il n’y avait pas eu tant que ça de différence entre les femmes et les hommes au niveau des médaillés des ces Jeux :

Au niveau des médailles d’or, cela avait été l’égalité – pour ne pas dire l’équité – parfaite. Les sept médailles d’or s’étaient en effet parfaitement partagées entre les hommes et les femmes : trois par les hommes (hockey, patinage de vitesse en individuel et en équipe) et trois par les femmes (hockey, ski de fond et patinage de vitesse). La septième médaille avait été l’oeuvre de l’équipe mixte composée de Jamie Sale et de David Pelletier au patinage artistique. Sur les trois médailles d’argent, deux par les hommes (patinage de vitesse et curling) et une par les femmes (ski acrobatique). Et sur les sept médailles de bronze, cinq avait été remporté par les femmes (patinage de vitesse courte et longue pistes, curling et ski acrobatique) et deux par les hommes (patinage de vitesse en courte piste). En résumé, sur les 17 médailles récoltées, 7 avait été conquises par les hommes et 9 par les femmes (et une dans la catégorie « mixte », c’est-à-dire en patinage artistique).

Donc, on les a espéré les hommes et l’espoir fût déçu. En particulier au hockey masculin où Hockey Canada était arrivé à Turin avec une confiance certaine qui frisait la suffisance aux yeux de certains observateurs. En entrevue pour le magazine l’Actualité quelques semaines auparavant, le québécois Vincent Lecavalier avait été sans détour : « la médaille d’or ou rien d’autre ». Hé bien l’Histoire, dans une douce ironie dont elle seule est capable, lui a donné raison : Le Canada a été éliminé et blanchi en quart de finale, sans même l’espoir de batailler pour la médaille de bronze. Imaginez la petite onde de choc au pays : c’est comme si le Brésil avait été rapidement éliminé à la coupe du monde de soccer.

Au travail, c’était devenu un sujet de conversation rapidement récurrent : là où on attendait les hommes, c’étaient les femmes qui prenaient le haut du pavé. Une déception masculine était compensée, quelques heures plus tard, par une performance féminine. Autant vous dire que mes collègues masculins et moi-même, nous nous faisions gentiment railler par nos collègues féminines ! Au point où certaines d’entre elles (ou des conjointes de collègues masculins) se sont mises à suivre de manière plus assidue les diffusions des Jeux à la télévision car elles avaient désormais une bonne raison de le faire.

Mais ces petites piques lancées ici et là entre collègues sur cette « rivalité » entre hommes et femmes n’avaient strictement rien de méchant. Cela restait du sport et on s’était enfin trouvés un autre sujet de conversation que celui, largement abordé en long et en large, de « Harper, nouveau premier ministre du Canada » …. Autrement dit, le sport était enfin devenu un sujet de discussion entre collègues féminines et masculins où une occasion supplémentaire était offerte de rire durant l’heure du lunch !

J’en parlais également avec les moniteurs en francisation au Cégep de Sherbrooke : le travail de ces personnes est d’organiser une structure auprès des personnes immigrantes qui suivent des cours de français afin de les aider dans leur processus d’intégration (support pour la carte soleil, le NAS, la SAAQ ou visite de l’Assemblée Nationale à Québec, cabane à sucre, etc). Je voulais savoir ce qu’on pensait les immigrants en francisation des Jeux Olympiques en général mais également de la performance des athlètes canadiens en particulier. Sur le premier point, le sentiment est généralement très positif : ces néo-canadiens ressentaient un sentiment d’appartenance envers le Canada lorsqu’un athlète gagnait une médaille ou faisait une excellente performance. Cela était d’autant plus significatif pour eux dans la mesure où la plupart sont d’origine hispanophones et ont donc surtout grandi dans un environnement chaud où ce sont les sports d’été qui prédominent. C’était donc pour beaucoup l’occasion de découvrir des disciplines alors inconnues pour eux (exemple : le patinage de vitesse ou le curling) et, ainsi, d’élargir encore plus leurs connaissances du pays et donc, de leur propre identité d’immigrant.

Sur le second point, ce fût plutôt mitigé. Certains trouvaient inutiles de s’attarder sur ce point car ce qui comptait finalement, pour eux, c’était la performance globale de toute l’équipe olympique canadienne (observation avec laquelle je suis tout à fait d’accord dans un certain sens). D’autres considéraient qu’on accordait trop d’importance à tout cela parce que, finalement, les jeux d’hiver sont beaucoup moins « importants » que ceux d’été (médiatiquement parlant, c’est vrai. Mais bon, nous vivons dans un pays d’hiver quand même). Et il y avait cette petite minorité – uniquement masculine, tiens donc – qui était réellement inconfortable avec l’idée que les athlètes canadiens soient beaucoup moins performants que leurs homologues canadiennes.

Rien d’étonnant donc à ce que je m’attarde plus particulièrement sur cette petite catégorie de personnes immigrantes afin d’en savoir un peu plus sur leurs perceptions de la chose. En gros pour eux, le sport est chose sérieuse lorsqu’elle est uniquement affaire d’hommes. Bien sûr, ils étaient contents des médailles remportées par les athlètes canadiennes : non pas pour leurs performances personnelles mais pour les gains que cela rapportait à l’équipe canadienne au complet ! Autrement dit : on met bien en avant la troisième place du Canada au tableau des médailles pis on oublie rapidement que les 2/3 de cette place est le fait des femmes …. C’est ce que j’appelle du machisme stratégiquement sélectif. De toute façon, c’est un pléonasme ce que je viens d’écrire car tout machisme est nécessairement sélectif car il va ne retenir que ce qui fait son affaire et tasser ce qui le fait beaucoup moins.

(En tout cas).

Il est très intéressant d’avoir accès à ce genre de perceptions car cela permet de savoir que ce genre de fossé culturel existe entre l’immigrant et son pays d’accueil. Car il y a souvent un fossé. Je ne parle pas d’une petite rigole de rien du tout là. Mais plutôt d’un fossé classé catégorie « Grand Canyon ». Dans tous les cas, savoir que cela existe permet d’amorcer un processus de compréhension de la réalité de l’Autre pour tenter un rapprochement entre sa culture et la culture de son pays d’accueil.

Dans les faits, c’est parfois difficile à faire. Quand une personne en francisation que je reçois dans mon bureau m’exprime le choc qu’elle a ressenti en voyant ces athlètes canadiennes en tenue indécente à ses yeux – la tenue moulante des patineuses de vitesse – j’ai beau lui répondre qu’il s’agit d’une question d’aérodynamique, ça ne passe pas. Une autre personne me demande de convaincre sa fille – que je dois rencontrer la semaine prochaine – d’abandonner son projet de sports-études en hockey après avoir vu l’équipe féminine canadienne à la télévision. Il semblerait que cela ne soit pas un sport « respectable » pour une femme. Ou une autre personne considère inacceptable qu’on laisse une athlète s’exprimer seule face aux médias : cela devrait être son entraîneur qui devrait parler en son nom (si c’est un homme bien entendu. Dans le cas contraire, prenez alors n’importe qui d’autre en autant que ce soit un homme).

Il est difficile de ne pas se poser des questions lorsqu’on est exposé à ce genre de réflexions ou de commentaires. Des questions du genre : « mais pourquoi venir vivre au Canada si cela ne correspond pas à leurs valeurs ? » ; « jusqu’où devons-nous, comme société d’accueil, respecter la culture de l’autre sur les plans culturel et éthique ? ». Beaucoup d’immigrants voient dans le Canada une terre d’accueil, d’opportunités et de liberté. Il s’agit maintenant de s’asseoir et de regarder ensemble la définition que chacun accorde au terme « liberté » par exemple. La liberté au sens de pouvoir circuler librement dans les rues et d’exprimer mon opinion ? Ou la liberté au sens de pouvoir y préserver toute mon identité culturelle même si cette dernière peut souvent se mettre en porte-à-faux avec la culture canadienne ou québécoise ?

Moi j’aime bien les Jeux Olympiques. Au-delà du battage médiatique, des calculs politico-stratégiques et des enjeux financiers qui se jouent en coulisses, ma naïveté se plaît à y voir l’effort d’une humanité en fraternité par le sport. Et cela fût également l’occasion d’explorer et de connaître tout un pan des sports d’hiver que je connaissais que très peu avant de vivre au Québec. À l’époque, je me rappelle de m’être étonné de voir des athlètes canadiens porter des noms à consonance francophone comme si le Canada, à ce moment, se résumait à un pays anglophone essentiellement (uniquement en fait) …. Bien sûr, je connaissais le Québec mais c’était pas clair alors cette histoire entre le Canada et le Québec.

J’ai pu paraître bien cynique à l’égard des athlètes canadiens dans cette chronique et loin de moi cette intention : ne pas remporter de médailles ne remet pas du tout en question les années d’entraînement, ni la détermination et encore moins le talent de ces derniers. Pour autant, le machisme – qu’il soit le fait d’immigrants ou de canadiens ou de québécois – se distingue souvent par sa propension à mettre l’accent sur les résultats. C’est-à-dire ici en l’occurrence, la récolte de médailles. Et à ce titre, voici ce que je répond à ces machos : huit médailles sur vingt-quatre au total, ils étaient où les hommes ? Bah …. L’important n’est-il pas de participer ?

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