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Minorités visibles, minorités audibles

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On parle beaucoup de nibab, de profilage racial, d’accommodements raisonnables dans la presse ces temps-ci. J’ai lu beaucoup de commentaires de la part de Québécois et d’immigrants. J’ai participé à des discussions avec des amis sur Facebook. J’ai réfléchi, évalué, repensé à ce que, moi, j’ai vécu au Québec et, aujourd’hui, je continue de penser que d’une manière générale, les Québécois sont ouverts aux autres cultures et les respectent. Et je suis également persuadée les générations qui suivent le seront de plus de plus en plus.

Je suis tombée l’autre jour sur une entrevue de Rachid Badouri, un humoriste québécois (très drôle en passant) qui racontait son expérience dans les écoles. Il participait, avec le ministère de l’intégration et des communautés culturelles, à un programme de diversité culturelle. Au bout d’un moment, ils sont rendu compte que c’était les élèves qui leur apprenaient des choses parce que, pour eux, la diversité culturelle se vit au quotidien depuis toujours. Ils côtoient des cultures différentes depuis leur entrée à l’école.

Je fais partie des minorités visibles. Je fais même partie des minorités audibles avec mon accent français. Mon expérience est personnelle. Subjective. Et je ne tiendrai peut-être pas le même discours si j’étais un jeune garçon noir habitant dans Montréal Nord, mais voilà, moi, en tant que femme noire de 30 ans, je peux dire qu’en 4 ans de vie au Québec, on m’a beaucoup plus parlé de la France que de ma couleur de peau. D’ailleurs, les gens étaient souvent déçus quand ils apprenaient que je venais de France et pas d’un pays plus « exotique ». La France, les Québécois la connaissent bien et je suis sûre qu’ils auraient aimé que je vienne d’ailleurs pour que je puisse leur parler de mon pays.

J’ai déménagé trois fois en 4 ans et je n’ai jamais eu de problème à louer un appartement. J’ai travaillé pendant mes études, j’ai été recommandée par des profs pour des jobs d’assistantes. Quand j’ai eu mon diplôme, j’ai trouvé un travail très vite avec d’excellentes conditions. Les études disent que les minorités sont moins payées que les Québécois. Je n’en sais rien. J’avoue que je n’ai jamais demandé à mes collègues combien ils gagnaient. Mais personnellement, je ne me suis jamais plainte et j’ai eu droit à une augmentation chaque année. Mon entreprise était-elle exceptionnelle ? Je ne pense pas. Elle était idéale, certes, mais je sais que beaucoup d’entreprises sont ainsi. Elles s’adaptent au marché et le marché est de plus en plus diversifié. On pourra m’objecter que le chômage est plus élevé chez les immigrants. C’est vrai mais c’est une réaction humaine de favoriser, parfois inconsciemment, les personnes qui nous ressemblent.

Si vous êtes une fête à laquelle vous ne connaissez personne, instinctivement, vous allez vous diriger vers les personnes de votre âge, de votre milieu et avec qui vous pensez avoir des points communs. C’est un peu la même chose quand on lit un cv. Je le sais, je travaille dans le recrutement. Si on lit le cv d’une personne qui a été dans la même école que nous, on a tout de suite apriori positif et il faut du temps avant de casser ce genre de réactions. Bien sûr, les gens ont des préjugés (on en a tous) et certaines cultures en sont victimes. Je sais que la population noire souffre de la réputation des gangs de rues. Je sais que la population musulmane souffre des attentats terroristes. Et j’en passe. Mais la plupart des Québécois ne demandent qu’à apprendre et s’enrichir d’une autre culture.

C’est pour cette raison que je suis optimiste pour l’avenir. Les jeunes vivent entourés de cultures différentes depuis toujours et les plus vieux s’adaptent. J’ai voyagé dans les régions. Là où les gens sont supposément moins ouverts. La famille de mon ex venait de Kamouraska et je suis beaucoup allée dans cette région. Je n’ai rencontré que des gens curieux. Ils voulaient tous savoir d’où je venais et ce qui m’avait poussé à venir vivre au Québec. À l’épicerie, il y avait quelques regards, effectivement. Mais il y en avait aussi quand c’était des amis québécois qui rentraient sans moi. Les gens se demandaient simplement qui nous étions. Pendant l’été, ils s’attendent à voir des touristes, pendant les périodes creuses, ils sont curieux.

Je ne vis pas dans le pays des Bisounours (ou Câlinours au Québec) où tout le monde est beau et tout le monde est gentil. Je sais que ce n’est pas parce que moi, je n’ai jamais été victime de racisme (pas que je sache en tout cas) que ça n’arrive pas. Mais je pense qu’une société apprend de ses erreurs. Oui, certaines choses sont à améliorer, évidemment. Autant du côté de certains Québécois que du côté de certains immigrants. Parce que, si les Québécois doivent intégrer la diversité culturelle dans leur quotidien, les immigrants, eux aussi, doivent intégrer la culture québécoise à le leur. Mais je le redis, je suis optimiste pour l’avenir.

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