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Mes décalages

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Commençons par ce que le terme "décalage" m’inspire par rapport à mon dernier retour en France, puisque c’est en France que l’idée de cette chronique m’est venue. Oh, le sujet est plutôt vaste ! Mais je ne pense pas que ce soit un si grand hasard que ce sujet me soit apparu alors qu’on se baladait, Isabelle et moi, dans les rues de Lille, en France. Nous voici donc tous les deux en train de marcher, sur la Grand’ Place comme on l’appelle, en plein centre ville de Lille. Et tout d’un coup, je la regarde et je lui dit : "ça fait drôle d’entendre parler Français partout" (comprendre "parler Français avec l’accent Français"). Isabelle s’apprêtait justement à me dire exactement la même chose. Ce n’est qu’une simple anecdote mais quelque part, ça m’a montré quelque chose : d’habitude, on fait ce genre de réflexions quand on est en vacances à l’étranger, et que les accents locaux et les façons de faire diffèrent de celles que nous sommes habitués à voir et à vivre. Alors on le fait simplement remarquer à l’autre. Mais là, voilà, j’étais en vacances en France, pays qui m’a vu naître et grandir jusqu’à mes 24 ans, mais je venais de dire cette phrase… C’est d’ailleurs assez difficile à expliquer. Quand je rentre en France, j’ai l’impression de ne l’avoir jamais quittée ou de n’être parti qu’une semaine auparavant. Sensation bien étrange et bien normale aussi, finalement. Mais d’un autre côté, j’ai au contraire parfois l’impression de ne plus rien reconnaître, ou d’avoir oublié certaines choses, comme par exemple le manque de civisme des commerçants à qui ça arracherait une côte de sourire. Autre exemple, peut-être plus parlant : aller dans une brasserie manger un bon steak tartare devient un évènement, alors que je ne trouvais rien d’extraordinaire à aller manger un steak tartare dans une brasserie il y a quelques années. Voyez-vous ce décalage ? On est chez nous, c’est naturel, mais c’est extraordinaire à la fois ! A contrario, à mes débuts à Montréal, prendre un café chez Starbucks ou Second Cup, était presque extraordinaire. Aujourd’hui, quoi de plus normal ?

Quitte à parler de la France, autant parler brièvement d’une autre forme de décalage : le décalage horaire, tout simplement ! Celui qui fait que l’on ne peut jamais appeler sa famille ou ses amis en pleine semaine, à moins de les appeler à minuit chez eux. Celui qui fait que notre grand tante fait sonner le téléphone à 5 heures du matin un dimanche en s’excusant de nous avoir réveillé parce qu’elle n’était pas certaine de l’heure qu’il était au Canada (bon c’était au tout début de notre vie au Québec mais je m’en souviens bien !). Celui qui fait que lors d’un retour touristique, la première journée sur le territoire Français est une hyperexcitation cauchemardesque et soporifique (chapeau bas à celui ou celle d’entre-vous qui tient au delà de 23 heures le jour de son arrivée !). Celui qui fait que Noël à distance est vraiment une expérience pénible quand on essaye de la vivre pleinement par webcam interposée avec sa famille restée en France. Celui qui fait que nous avons appris avant vous la mort de Jacques Villeret, et après vous la très récente disparition de l’Abbé Pierre.

Après le décalage horaire, vient le décalage linguistique. J’ai pensé à ma chronique hier, quand on m’a dit "bonjour" au moment ou je raccrochais mon téléphone. Il n’y a rien à faire, je pense que je ne m’y habituerai jamais à celui-là ! Mais c’est sans doute la seule exception, sinon une des seules exceptions que je fais à l’adaptation naturelle de ma façon de parler. Je ne dis plus "quoi" à la fin de chacune de mes phrases; je dis "tsé". Je ne dis plus "putain"; je dis "crisse". Je ne dis plus "c’est quoi c’truc ?"; je dis "c’est quoi c’t’affaire ?". Mais je ne pourrai à priori jamais sortir un "bonjour" qui ait l’air un tant soit peu naturel, au moment de sortir d’un magasin ou de raccrocher mon téléphone… Tout ça pour dire que oui, au bout de trois ans (ou presque ! En mai prochain !) de vie ici, j’ai modifié naturellement ma façon de parler, ma façon de prononcer certains mots; j’ai adopté dans mon langage courant des expressions et des mots de vocabulaire à force de les entendre quotidiennement. Ouh là, rassurez-vous, quelques mots suffisent à un Québécois pour comprendre que je suis Français ! Je n’ai pas l’accent au sens où on l’entend (au sens propre) ici. Mais c’est vrai que j’ai tendance à aplatir mes "a" et à durcir mes "é". C’est simplement du mimétisme bien naturel, rien de plus. Jamais je ne "forcerai" mon "accent" québécois, je trouve ça absolument ridicule et ça ne m’avancerait pas à grand chose… De toute façon; il y aurait toujours un mot typiquement français pour s’échapper et trahir mes origines, et j’assume parfaitement mes origines justement. Français au Québec et fier de l’être !
Chose étonnante toutefois : au bout de deux jours en France, je perds toute trace des mes intonations et autres expressions québécoises. Le même phénomène se produit inévitablement à chacun de mes retours !

Parlons climat ! l’hiver. J’ai réalisé en venant ici que je ne savais pas ce qu’était l’hiver auparavant. Ce que je dis peut sembler assez paradoxal si l’on considère que cette année, l’hiver est arrivé le 15… janvier. Mais il est arrivé quand même ! Avant, je ne savais pas ce que c’était que de retrouver en ville avec 25 centimètres de neige. Je ne me souvenais pas de ce que pouvait représenter -25°C, et pourtant je suis allé plusieurs fois à la montagne, à Peisey-Nancroix pour être précis, quand j’étais enfant. J’avais du oublier, j’imagine. Ici, je redeviens un enfant plusieurs fois par année, à chaque tempête de neige. J’ai essayé, mais je ne parviens pas à ne pas rire quand je vois que dans l’actualité récente en France, la neige occupait les 10 premières minutes du journal télé de 20 heures. Ça me rappelle un souvenir de France justement, un trajet Paris – Lille en voiture, sur l’A1 donc. Je venais à peine de longer l’aéroport Charles de Gaulle, quand il a commencé à neiger, il devait être midi ce jour là. Incroyable mais vrai, il neigeait ! Les petits flocons timides ont peu à peu commencé a s’accrocher au bitume, et à gêner considérablement la visibilité par leur densité. J’étais en pleine tempête de neige, non pas à Montréal mais à quelques dizaines de kilomètres de Paris. Plus je me rapprochais de ma destination, moins il était possible de rouler à une vitesse normale, et j’ai bien vite fini par me retrouver complètement à l’arrêt, pendant que la neige s’installait de plus en plus sur l’autoroute. Quelques heures plus tard, nous recommencions à rouler au pas, mais au moins, on avançait. Bilan : aucun tué, aucun blessé, juste des semi-remorques en travers de la route, des automobilistes arrêtés à contresens au beau milieu de la voie, et tous les survivants qui devaient réussir à se frayer un passage en jonglant parmi ces obstacles de ferraille. Enfin, après le dernier camion, la voie était libre. Pas un seul véhicule visible devant moi, rien que l’autoroute complètement enneigée. A 60km/h grand max, et quelques petites frayeurs après, je suis finalement arrivé à Lille vers 16 heures. 6 heures de route pour faire Paris – Lille, soit presque trois fois plus de temps que nécessaire en temps normal (ou par temps normal si vous préférez !). Un record personnel. Moralité : Français de France, l’hiver, achetez-vous des pneus neige !!! Je ne dis pas que 20 cm de neige en pleine journée à Montréal tombent sans que personne ne s’en soucie; c’est certain que la circulation automobile est quelque peu gênée, que ce soit en ville ou sur les autoroutes… mais ça roule quand même. Alors quand 4 centimètres paralysent les routes de France, c’est plus fort que moi, je ris ! Même si je sais que les infrastructures et le processus de déblaiement de la neige sont tout logiquement plus avancés ici qu’en France…

Terminons par un sujet plus sérieux ou en tous les cas, plus profond : ma perception du monde du travail. Comme vous le savez sans doute, ou peut-être pas, je n’occupe plus l’emploi pour lequel j’avais quitté ma précédente compagnie après deux ans de services. Je me suis rapidement rendu compte en effet que le poste pour lequel j’avais été embauché n’était pas celui que j’occupais pleinement, jusqu’à ce qu’il ne le soit plus du tout en bout de ligne. Mon employeur comme moi-même avons donc mis en oeuvre tout ce qui était possible afin que je me fasse licencier, ce qui est arrivé le 16 janvier dernier. Si je n’avais pas été mis à la porte cette semaine là, je serais de toute façon parti de moi-même, ce n’était malheureusement plus possible de continuer de la sorte. Je suis donc officiellement au chômage, pour la première fois de ma courte vie ! Et ça ne me dérange pas plus que ça ! D’autant plus que quelques contrats à la pige m’aident à rester à flots; d’ailleurs sans ces contrats, je pense bien que je serais dans un autre état de stress… Mais néanmoins, ma perception du chômage, de la perte d’emploi, a grandement changé. J’ai toujours entendu en France des discours fatalistes concernant le chômage. Perdre son emploi en France est encore aujourd’hui la pire chose qui puisse arriver. D’ailleurs je ne sais pas vraiment comment j’aurais vécu la même situation si je l’avais vécue en France, loin d’un projet d’immigration au Québec. Mais ici, je sais que je vais pouvoir retomber sur mes pattes relativement facilement. Grâce au réseau de connaissances d’Isabelle et à Isabelle elle-même avant tout, qui se démènent tous les deux pour moi et pour disséminer mon CV dans toute la ville, et grâce aussi au fameux Monster.ca. Au moment où j’écris cette chronique, je viens de recevoir il y a une heure à peine un coup de téléphone. Rendez-vous demain 9 heures. Et j’attends encore des réponses pour des entrevues précédentes. C’est le moment ou jamais pour moi de faire ce que je veux vraiment faire : prendre plus de responsabilités dans mon travail, et me spécialiser en référencement de sites web. Voici mon choix de carrière, et je sens que je vais pouvoir le réaliser ici. Prochaine étape, qui devrait arriver assez vite d’ailleurs : démarcher moi-même les compagnies, me rendre dans leurs locaux avec mon CV et demander à parler à un responsable, en bref, y aller au culot ! Ou plutôt, chercher un travail comme on cherche un travail en Amérique du Nord ! "Tout devient possible", comme dirait Nicolas !

Décalage enfin… parce que cette chronique arrive avec un jour de décalage. Mais c’était voulu hein Laurence, c’était pour lui donner encore plus de sens, euh… tu comprends. Ah c’est pas ça que tu comprends… ok euhhhh…

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Écrit par
Tof

Qui suis-je? Moi c’est Christophe, je suis originaire du Nord de la France où j’ai passé mes 24 premières années avant de poser mes valises à Montréal le 16 Mai 2004. J’ai travaillé en tant qu’informaticien et webmaster pour plusieurs entreprises de Montréal. Pourquoi avoir choisi d’immigrer? Parce que. Besoin de changer d’air, d’ouvrir mes horizons, de voir comment ça se passe ailleurs dans le monde et ce que ça peut m’apporter personnellement. Pourquoi le Québec ? Parce que parce que c’est l’Amérique en français (et non l’Amérique à la Française), parce que c’est vrai que c’est plus « facile » entre guillemets, parce que je voulais savoir ce que ça faisait -30 degrés sous zéro, parce que je pensais que tout le monde parlait français et quelques-uns anglais, parce que (à suivre – liste non-exhaustive)

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