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La Francophonie et le Canada….

Suite au débat sur la nomination d’un secrétaire unilingue anglophone à la Francophonie, situation pour le moins cocasse, je me suis tout simplement posée la question de savoir c’est quoi au juste la Francophonie, et surtout quelle est la répartition territoriale des francophones au Canada.

J’y suis donc allée de ma curiosité naturelle sur ce genre de sujet pour trouver des réponses à mes questions. Je vous préviens c’est long mais c’est pas mal intéressant pour connaître le fait francophone au Canada.
La plupart de mes données statistiques sont issues du recensement de 2001 et notamment des analyses disponibles sur le site de Citoyenneté et Immigration Canada.

Rappelez-vous d’abord que le Canada c’est 8.9 millions de francophones en 2001.

Le Canada est un des pays fondateurs en 1970 de la Francophonie, sous impulsion de ses communautés francophones et acadiennes; la francophonie est donc un objectif de politique intérieure, comme le déclare le site officiel du Canada et de la francophonie :

« En effet, [….], le courant nationaliste au Québec commence à se manifester sur la scène internationale dès les années 60, et ce peu importe les gouvernements en place au Québec. Afin d’encadrer ce courant, le gouvernement du Canada se devait d’établir une présence forte au sein de la Francophonie naissante de sorte que les aspects politiques soient clairement dissociés des aspects de coopération, les premiers étant du ressort du gouvernement fédéral tandis que les seconds étant d’intérêt pour le Québec autant que pour le Canada. »

Le Canada est depuis membre de toutes les institutions multilatérales et des conférences ministérielles.
Le plus drôle c’est que le Canada est un des seuls États membres (pour ne pas dire le seul d’ailleurs) dont des communautés francophones distinctes ont revendiqué leur représentation autonome. En effet, dès 1970, le Canada a proposé la création d’un statut particulier, les « gouvernements participants », pour permettre la participation provinciale du Québec (octobre 1971) et du Nouveau Brunswick (décembre 1977).

Depuis 1977 donc, les questions basées sur la coopération internationale n’ont visiblement jamais entraînées de frictions entre les 3 niveaux de gouvernements.
Les questions politiques ont par contre nécessité des aménagements.
Le Québec entretenait des relations diplomatiques privilégiées avec la France, qui ne négligeait pas pour autant les autres représentations du Canada.
Confusions et tensions politiques ont amené à une série nécessaire d’accords sur les prérogatives respectives du Canada et de ces deux provinces : les représentants provinciaux (premiers ministres lors des Sommets) toucheraient seulement aux compétences provinciales d’éducation, d’agriculture, d’environnement et de culture notamment.
Le gouvernement du Canada se réserve la responsabilité des décisions de politique internationale (droits de la personne, démocratie ou encore résolution de conflits).
Chaque niveau peut aussi développer et créer des actions de coopération internationale en son propre nom.

La francophonie au Canada est donc l’affaire de 3 gouvernements distincts.
À chaque gouvernement, non seulement des actions mais aussi un but précis.

En me penchant sur le gouvernement fédéral, celui où on retrouve donc notre ami Mendies, la francophonie est une compétence du Ministère des Affaires Étrangères.
La direction des Affaires de la Francophonie est chargée de coordonner les aspects de la participation aux niveaux ministériel et interministériel aux projets et actions pour la francophonie. Elle gère les crédits budgétaires (essentiellement issus de l’Agence Canadienne de Développement International) destinés par le Canada à l’OIF, aux projets issus des Sommets et aux activités des institutions francophones.
Le but avoué de la Francophonie au Canada est de « permettre au reste du monde de prendre le juste mesure de la contribution originale du Canada à la construction d’une francophonie internationale moderne et ouverte à la diversité ».

Les raisons de participation du Québec sont évidentes : entretenir les relations avec la France et la Francophonie en général mais aussi et surtout, lorsque la Francophonie apparaît en tant qu’organisation au début des années 1970, le Québec est « Soucieux de sauvegarder son caractère unique en Amérique » et ses 400 de représentation du fait français sur le continent nord-américain, majoritairement anglophone.
En 1995, le gouvernement du Québec a rendu publique sa politique envers les communautés francophones et acadiennes du Canada.
On peut y lire :

« [….]que la vitalité de la langue française constitue un facteur essentiel de survie, de développement et d’épanouissement. Pour accroître cette vitalité, la politique convie donc la société québécoise et les communautés francophones et acadiennes du Canada à établir une relation franche et dynamique basée sur le dialogue, la solidarité et la concertation. »

Pour favoriser cette coopération, le Québec a donc mis en place des moyens pour assurer au maximum la planification et la collaboration des activités.
Chaque année la province débloque environ 8 millions de $ pour les actions de la Francophonie, et sa priorité première, la diversité culturelle.
Le IIe Sommet de la Francophonie s’est tenu à Québec en 1987.
Le XIIe se tiendra à nouveau dans cette ville en 2008 pour fêter les 400 ans de la fondation de la ville, « une des plus vieilles villes francophones en Amérique du Nord ».

Les francophones du Nouveau-Brunswick, et dans une moindre mesure, puisque pas (encore) représentés dans les institutions de la francophonie de façon autonome, les francophones de l’ensemble des autres provinces et des territoires partagent en général la même préoccupation que le Québec en matière de représentation et de maintien culturel. En participant à l’OIF, le Nouveau-Brunswick, et le Québec, peuvent ouvrir et créer des réseaux multilatéraux de coopération avec les autres États et gouvernements de la Francophonie.
Le Nouveau-Brunswick s’attache essentiellement à la diffusion de la culture et de la langue, et au maintien sur son territoire de cette culture, afin notamment de lutter contre l’uniformisation mondiale.
Dans le cadre de la Francophonie, la Société nationale de l’Acadie et le gouvernement Québec ont d’ailleurs créé un programme de coopération et d’entraide, du fait de leurs liens historiques et culturels .
La Province du Nouveau-Brunswick débloque environ 750 000 $ par an.
La ville de Moncton a d’ailleurs accueilli le VIIIe Sommet de la Francophonie en 1999.

Les autres Provinces (notamment l’Ontario et le Manitoba) délèguent en général un représentant au sein de la délégation canadienne, malgré la présence sur leur territoire d’une population francophone au moins aussi égale que celle du Nouveau-Brunswick.

Mais ce qui m’intéressait surtout, c’est la présence réelle des francophones au Canada .
J’entends par francophones ici les francophones de langue maternelle (ben ouais c’est les seuls chiffres complets que j’ai pu obtenir !).
Ils étaient donc 6.6 millions en 2001. Les locuteurs du français en langue maternelle ET ceux de langue seconde représentaient 8.9 millions en 2001 sur l’ensemble du territoire canadien.
On trouve donc la majorité des francophones au Québec (5,6 millions en 2001).
Mais le plus intéressant est de savoir combien et où étaient les francophones hors Québec.
En 2001, donc, il y a environ un million de personnes qui vivent en français hors Québec, soit 4.5% de la population totale du Canada.

La présence territoriale est assez disparate. Concrètement on retrouve de fortes communautés (hors Québec) au Nouveau-Brunswick, en Ontario et au sud-est de la Nouvelle Écosse.

Ainsi l’Ontario et le Nouveau-Brunswick regroupe 76% des francophones et acadiens hors Québec, soit les ? de la population francophone totale (hors Québec).
En Ontario, la population francophone totale est de presque 535 000 personnes.
On trouve alors 20% des francophones de la province autour de Ottawa et dans la région de l’Est, frontalière avec le Québec essentiellement.
Cependant, on trouve à cette époque 1 francophone de la province sur 5 vivait autour de Toronto.
Les Franco Ontariens représentaient 4,73% de la population totale de la Province en 2001.

Au Nouveau-Brunswick (presque 245 000 personnes), les 2/3 de la population francophone se retrouve autour de Moncton essentiellement.

Le Manitoba compte environ 50 000 Franco manitobains. Ils représentent 4,3% de la population en 2001. Dans cette province ce sont majoritairement des femmes qui sont francophones (24 935 femmes pour 22 620 hommes). Les 2/3 de ces francophones habitent à Winnipeg et sa région, et principalement une partie précise de la ville : les quartiers de St Boniface, Saint Vital et Saint-Nobert.

L’Alberta et la Colombie Britannique compte chacune 65 000 francophones (respectivement 2,2% de la population totale albertaine et 1,6% de la population de Colombie Britannique) et la Saskatchewan environ 20 000 locuteurs de la langue française (2% de sa population totale).

En Nouvelle-Écosse on compte 35 000 francophones concentrés essentiellement dans le sud-ouest de la province (Cap Breton où il représente 40% de la population, les comtés de Digby et Yarmouth, et Halifax évidemment qui concentre 11 200 personnes en 2001).

L’Île du Prince Édouard et les territoires comptabilisent le moins de francophones. On trouve environ 6 110 francophones sur l’Île, en moyenne âgés de la cinquantaine, essentiellement concentrés dans la région Évangeline (3/4 des insulaires francophones).

Le Yukon a la population francophone la plus représentée chez les moins de 15 ans avec 14,1% des 1200 francophones âgés en moyenne de 14 ans en 2001. Ils habitent majoritairement à Whitehorse et sa région.

Concrètement au Canada on retrouve 60% des francophones dans les régions appelées souches, où ils forment alors environ 20% minimum de la population. Ces régions souches sont typiquement les régions où les colons français, canadiens français, du Bas Canada et enfin Québécois selon l’époque sont allés s’installer.

Cette étude indique le fait que entre 1951 et 2001, le nombre de locuteurs de langue française, à plus que doubler passant de 880 000 à 2.4 millions de personnes, sans le Québec, soit aujourd’hui 10.8% de francophones de langue maternelle ou de langue seconde.

Aujourd’hui on trouve un réseau d’écoles et d’universités francophones au travers de tout le territoire. Et pourtant, le niveau de scolarisation des francophones semble rester inférieur. La région Évangeline (IPE) est la plus touchée : 50% de sa population adulte n’a pas obtenu son diplôme de secondaire.
On retrouve une situation peu ou prou identique dans les régions rurales, à forte concentration francophone, du Manitoba, de Cap-Breton en Nouvelle-Écosse et en Saskatchewan.
Les chiffres de 2001 parle, dans ces régions, de 19.1 % de la population seulement ayant atteint les études universitaires. La moyenne nationale : 22%
Par contre dans les communautés francophones métropolitaines, la population francophone ayant atteint l’université est égale voire supérieure aux chiffres anglophones.

Au point de vue du taux d’activité, on sait que 64% de la population francophone avait une activité en 2001 (69% pour la population anglophone), mais dans les 3 territoires (Yukon, Nord-Ouest et Nunavut), le taux d’occupation de la population francophone flirte avec les 85% dont 93% au Nunavut (ils sont alors 425)!
On trouve 11% de travailleurs autonomes dans l’ensemble du Canada, et près de 25% des francophones du Saskatchewan sont des entrepreneurs autonomes.

Bien qu’il existe aujourd’hui un ensemble d’écoles et d’universités francophones. Bien qu’on trouve depuis ces trente dernières années de nombreuses associations et organismes créés par et pour les communautés francophones et acadiennes à travers tout le pays. Et bien qu’au travers de ces organismes de représentations locales, provinciales et nationales, on trouve des actions en faveur de la population francophone, notamment comme au Yukon, qui semble être le plus actif pour la francisation de ses services, la francophonie au Canada reste délicate.

Et ce bien que le pays se déclare officiellement bilingue. La réalité est qu’il existe des poches linguistiques au travers du pays. Dans les milieux où la proportion de francophones est importante, les institutions francophones sont nombreuses. Et la vie quotidienne peut se passer en français.
Mais dans les contextes (réels) où il n’y a pas d’ancrage spatial, les contextes où les francophones sont trop minoritaires, on trouve alors peu d’institutions pour vivre de façon francophones.
Selon le rapport issu du recensement de 2001, les institutions francophones qu’on retrouve le plus facilement, surtout en région métropolitaine et dans les poches linguistiques à forte proportion de francophones, sont les écoles, les églises, les centres culturels parfois et rarement l’existence de médias (radios et journaux en tête).

Alors on peut effectivement donc trouver une vie en français partout au Canada, mais seulement si on choisit bien son lieu d’établissement. C’est une réalité à prendre en compte, la francophonie a beaucoup à faire encore au Canada, pays bilingue….
Dans les faits autant qu’officiellement, il n’existe qu’une seule province bilingue : le Nouveau-Brunswick, avec la présence acadienne encore et toujours ancrée sur ces terres.
Le Québec lui est unilingue et ne se reconnaît qu’une langue : le français.
L’ensemble des autres provinces et territoires l’anglais.

Et M. Ted Mendies devient petit à petit depuis lundi le 8 million 901 millième francophone du pays….

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