Histoire d’eaux…, je reviens à Montréal, la tête gonflée de nuages… - Immigrer.com
vendredi , 29 mars 2024
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Histoire d’eaux…, je reviens à Montréal, la tête gonflée de nuages…

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Bizarre comme le hasard fait bien les choses, des fois… Je suis à peine installée dans la voiture de location, ce 26 avril 2006, qu’une chanson envahie l’habitacle… Pas n’importe quelle chanson… Une chanson qui semble écrite rien que pour moué (Ma Doué béniguet, quel orgueil !), et qui passe à la radio rien que pour moué… Ariane Moffat semble chantonner mon vécu : “je reviens à Montréal, la tête gonflée de nuages”… Je ferme les yeux et je revois tout…

Je me revois dire un dernier adieu à notre maison, vénérable vieille dame de 150 ans en pierres apparentes, vendue à deux sinistres pinailleurs. Je me revois contempler, le coeur serré, les yeux embués, le peu de poussière qui reste de notre vie en France, en me disant qu’il s’en fallut de peu pour que nous la secouions de nos sandales.. Mais il reste nos amis, qu’on a l’impression d’abandonner lâchement mais dont l’affection indéfectible nous a porté dans nos projets… Je me revois caresser machinalement le petit être tapie dans mes flancs, comme pour le rassurer sur notre avenir. ”Tout ira bien, tout ira bien”. Mais à qui m’adressais-je ?

Puis cette soirée d’adieux chez nos copains, dignement arrosée du fruit de la vigne et du travail des hommes . Ces silences au beau milieu des rires, lorsque la nostalgie profite lâchement de la marée montante des souvenirs. Ô Temps ! Suspends ton vol… Cette nuit presque blanche à écouter la respiration de Guinness, et à demander “tu dors ?”. Eh bien non, lui non plus ne dort pas… Puis ce petit déjeuner pris à la va-vite, le copain qui embarque le mari, les bestioles et nos bagages dans une fourgonnette déglinguée.
– Vous me retrouvez à l’aéroport à midi, sans faute, hein ?
Comme si j’allais arriver en retard pour notre nouvelle vie…
La copine qui se désole toute seule devant ses placards : “je n’ai rien pour vous faire un pique-nique…” T’inquiète, va ! Les séparations de ce type ont tendance à vous combler l’estomac en délestant un peu notre vie.

Les enfants tapis à l’arrière de la voiture, se chamaillant sans grande conviction, les jointures de l’amie trop blanches sur le volant et moi qui laisse planer un regard presque surpris sur ces paysages que je pensais connaître.

Je revois, dans la hall de l’aéroport, la montagne de bagages qui dissimule la moitié de ma moitié. Le regard suspicieux de la digne représentante de notre compagnie aérienne, qui darde mon nombril et me demande : “c’est pour bientôt ?” C’est dingue ce que j’ai envie de répondre en regardant ma montre “J’sais pas, deux ou trois heures…”, juste pour entendre l’éclat de rire de ma cohorte… Mais non, voyons… L’heure est grave. J’arbore mon sourire le plus niais qui soit, en déclarant , faussement ingénue : “dans 2 mois !”. Ah, ben v’là que je me rajeunis de 3 semaines…

Et puis vient ce moment que je redoutais tant. Un simple “au-revoir”, quelques promesses, des tas de “merci” et, bien évidemment, un torrent de larmes que mon engueulade intérieure ne peut réprimer… L’amie s’éloigne, les épaules trop affaissées à mon goût. J’ai encore raté ma sortie…

Ceux qui ont la bienveillance de me lire de temps à l’autre, sont certainement étonnés du ton que j’ai adopté jusqu’ici. Ils m’ont connu plus délurée. Faut dire qu’avec le Requiem de Fauré en fond musical, difficile de présenter les choses de façon plus primesautière, non ? Allez, je change de disque et je vous reviens… dans de meilleures conditions…

Alors, où en étais-je ? Ah, oui…

Notre voyage devait se faire en 2 étapes, via Paris. Le grand dadais (toutou de son état) et la serpillière noire (matou pour les vétérinaires), nous suivent en parallèle, sur un vol de fret. Pour être franche, la première partie de notre voyage m’a laissé que peu de souvenirs, juste un petit goût salé d’embruns lacrymaux aux coins des lèvres. Les enfants sont vaguement déçus d’être dans un petit “n-avion”. Mais l’hôtesse ne tarde pas à les consoler et les ramener à des choses plus terre-à-terre, grâce à une petite collation… dont une partie finira sur le sol, une dans l’estomac jamais rassasié de nos deux petits monstres, et la dernière enfoncée dans les anciens cendriers des fauteuils, au nom de la science. (“je peux mettre ça là, maman ?”-“non, tu ne peux pas.”- scroutch !-“ben si ! Regarde, je peux : ça rentre !”). Il était écrit que j’allais passer l’atterrissage, les mains crispées sur ces foutus cendriers, afin de cacher l’irréparable outrage aux yeux de l’hôtesse….

A Paris, notre escale fut courte et échevelée. Pensez donc ! Réussir à acheter parfum/produits-pas-bon -pour-la-santé, aller une dernière fois AUX toiletteS en une heure sans perdre les héritiers et l’héritage…
Re-décollage… Une fois encore je me dis, agrippée aux accoudoirs de mon fauteuil de gros “n-avion”, que je vais accoucher en plein vol, qu’il y a un candidat au suicide altruiste dans l’appareil, qu’il y aura un problème technique, que… Vous ai-je déjà avoué que je suis, dans ces conditions, d’un naturel foncièrement optimiste ? Nan ? J’me demande bien pourquoi…

Je n’avais jamais remarqué qu’on mangeait tant et si souvent dans les avions. Bah ! Ça occupe… Et dans mon action de grâce, je n’omettrai pas de bénir cent fois l’inventeur des écrans de télé incrustés dans les sièges. Les moufflets ont été d’une sagesse exemplaire. Ce qui s’appelle “acheter la paix sociale”…

La fin du vol approche. Je me tords le cou pour apercevoir au travers du hublot, le paysage tant espéré. Et là, comme mus par une bonté soudaine, les nuages s’écartent pour m’offrir une vue magnifique de l’Oratoire Saint-Joseph. “Bonjour, me revoilà, comme promis…” A la tête ahurie de mes voisins, je comprends que des larmes coulent le long de mes joues. Je profite lâchement du dernier passage de l’hôtesse pour m’essuyer sur sa jupe. Je pense mettre mise à dos toute cette profession. Définitivement.

Dorval (je ne me ferai jamais à l’autre nom…) est noir de monde. Devant les douanes, le long serpentin des arrivants ondule paresseusement. Je suis épuisée. Les formalités pour Guinness se feront sans moi. Après tout, les marmots et moi sommes de respectables (!) citoyens canadiens.

Bien sûr, il fallait qu’une partie de nos bagages échoue piteusement dans un coin. Ils étaient repérables, en plus, les trois énormes cartons-scothés-de-toutes- parts-par-un-puissant-soutien… Allez, zou ! On vogue vers le dernier sésame pour faire tamponner notre liste d’affaires. Un vrai jeu de piste avec tout plein de tampons, gros-castor-grincheux sera content. Puis, enfin, on se retrouve dans le hall de l’aéroport. Ma copine d’enfance doit être là, à m’attendre depuis des heures. La pauvre… Je lui avais pourtant bien dit que nous serions retardés par les formalités… Mais elle, avec son entêtement si touchant, n’avait eu de cesse de me répéter : “Je veux vous voir atterrir”.

Je la reconnais immédiatement. Elle m’avait fait l’amitié de ne pas changer après toutes ces années. Je referme mes bras autour de son cou et j’enfouie mon visage dans ses cheveux pour cacher une nouvelle fontaine de larmes. Bigre ! Je ne pensais pas qu’il m’en resterait après tous ces épanchements. Je suis pleine de “re-sources”…

Ma merveilleuse amie est venue avec son auto-wagon pour y charger le grand dadais et sa serpillière. Une chance, la voiture de location est trop petite pour tout y caser. Elle part avec Guinness pour récupérer les clés de notre véhicule et avancer son char.

Je reste plantée là avec les enfants, mon gros bide et mon sac à main bourré de papiers officiels. Je tends l’oreille pour me replonger dans la musique de mon enfance. J’ai presque envie de m’y noyer, tant je suis ivre de bonheur et de fatigue.

Mais enfin, au loin, je repère le dos large et rassurant de Guinness. “Ralliez-vous à mon panache blanc”, disait l’autre. Aussi je me mets à pourfendre la foule, le ventre en prou, notre survie en bandoulière et les deux enfants en remorque. Hardi, les gars ! Souquez ferme ! Nous arriverons bientôt à bon port…chez nous…

En format original, je rentre à Montréal…

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