Crise de l’immigration temporaire au Canada
mardi , 3 décembre 2024
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Crise de l’immigration temporaire au Canada

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Les gouvernements du Québec et du Canada se retrouvent aujourd’hui face à un dilemme qu’ils ont en partie eux-mêmes provoqué : comment réduire l’immigration temporaire alors qu’ils en sont à l’origine de l’explosion ? Ce phénomène, qui résulte de politiques d’accueil plus ouvertes, crée des tensions et des divisions entre les différents paliers de gouvernement quant à la responsabilité de cette situation. Cependant, la question clé demeure : comment en sommes-nous arrivés là ?

Les origines d’une explosion incontrôlée

Depuis 2022, le nombre d’immigrants temporaires au Québec a littéralement explosé, incluant travailleurs, étudiants étrangers et demandeurs d’asile. Parmi ces trois groupes, les travailleurs étrangers constituent la majorité, représentant 46 % des immigrants temporaires, suivis par les demandeurs d’asile (28 %) et les étudiants (21 %). Cette hausse fulgurante, particulièrement marquée pour les demandeurs d’asile, a poussé le premier ministre François Legault à demander le déplacement de 80 000 d’entre eux vers d’autres provinces. La situation est telle que le Québec, avec seulement 22 % de la population canadienne, accueille 41 % des demandeurs d’asile.

L’explosion de l’immigration temporaire remonte à 2016, après l’arrivée au pouvoir de Justin Trudeau, mais elle s’est véritablement accélérée en 2022, à la sortie de la pandémie. « L’accroissement a été si soudain et si fort que Statistique Canada et l’Institut de la statistique du Québec n’ont pas pu le prévoir », souligne l’article. La principale cause de cette augmentation est la pénurie de main-d’œuvre, qui a incité les gouvernements à faciliter l’entrée de résidents non permanents.

Des mesures exceptionnelles sans vision d’ensemble

Pour répondre à cette pénurie, le gouvernement fédéral a mis en place une série de mesures exceptionnelles : abolition des limites pour les travailleurs saisonniers à bas salaire, augmentation du pourcentage de travailleurs temporaires au sein des entreprises, assouplissement des règles pour les étudiants étrangers, et prolongation des permis de travail. Certaines de ces mesures, telles que l’augmentation du pourcentage de travailleurs étrangers dans des secteurs clés comme l’alimentation et la santé, ont été adoptées à la demande de Québec. Pourtant, il est évident qu’aucune planification globale n’a accompagné ces initiatives, ce qui a conduit à une situation devenue difficile à gérer.

Comme l’explique l’économiste Pierre Fortin, « La principale force en arrière de l’immigration temporaire, c’est le lobby considérable et incroyable des associations d’affaires. Ce lobby a eu l’oreille de François Legault ». Il ajoute cependant que ces acteurs sont bien intentionnés : « Ces gens-là sont honnêtes, ils pensent que plus d’immigrants temporaires, ça va améliorer la croissance économique. »

Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes

Entre 2022 et 2024, le nombre de résidents temporaires au Québec a pratiquement doublé, passant de 301 000 à 588 000. Le nombre de demandeurs d’asile a bondi de 123 %, celui des travailleurs étrangers temporaires de 121 %, et le nombre d’étudiants étrangers de 69 %. Pourtant, ce phénomène est passé relativement inaperçu dans les débats publics, où l’attention était principalement portée sur l’immigration permanente. Comme l’observe le professeur Richard Marcoux, « il y a eu une perte de contrôle, et au fédéral et au provincial. Et j’ai l’impression qu’on improvise encore un peu ».

Vers des solutions controversées

De passage à Paris, François Legault a exprimé son souhait de s’inspirer du modèle français pour créer des zones d’attente où les demandeurs d’asile seraient logés pendant que leur dossier est étudié. Cette idée vise également à mieux répartir ces demandeurs entre les provinces. Toutefois, cette proposition a été fraîchement accueillie à Ottawa. Marc Miller, ministre fédéral de l’Immigration, reconnaît que le gouvernement doit agir pour réduire le nombre d’immigrants temporaires, mais admet avoir tardé à le faire : « Très franchement, on a pris un peu trop longtemps pour ralentir la machine. »

Les conséquences sociales et économiques

L’ouverture des portes aux immigrants temporaires a eu des effets significatifs : pénurie de logements, hausse des loyers et des prix des maisons, pression accrue sur les services publics. Cette situation a contribué à un changement radical de l’opinion publique. « L’opinion sur l’immigration a connu un revirement de 180 degrés depuis trois, quatre ans », observe Pierre Fortin. Alors qu’environ 25 à 30 % de la population trouvait qu’il y avait trop d’immigrants, ce chiffre a aujourd’hui grimpé à 60-65 %.

Quels remèdes ?

Si les mesures pour contrôler l’immigration temporaire ne sont pas mises en œuvre efficacement ou ne sont pas suffisantes, des tensions sociales pourraient s’intensifier :

Montée des sentiments anti-immigration : Si les problèmes liés à l’immigration temporaire, tels que la pression sur les services publics et la hausse des prix du logement, persistent, une part croissante de la population pourrait se tourner vers des partis politiques prônant des politiques d’immigration plus restrictives. Cela pourrait accroître la polarisation du débat public autour de l’immigration.

Pénurie de logements et pression sur les infrastructures : La pression actuelle sur les infrastructures et le marché immobilier pourrait s’aggraver, alimentant le mécontentement des citoyens, surtout dans les grandes villes comme Montréal. La pénurie de logements, déjà critique, pourrait devenir un enjeu encore plus polarisant.

Le gouvernement fédéral et les provinces, y compris le Québec, pourraient prendre des mesures plus strictes pour limiter l’entrée des travailleurs temporaires, des étudiants étrangers et des demandeurs d’asile. Cela pourrait inclure :

  • Mise en place de quotas : Ottawa et Québec pourraient imposer des plafonds annuels pour chaque catégorie d’immigrants temporaires afin de mieux contrôler les flux migratoires.
  • Réduction des exemptions : Les mesures d’exception qui facilitent l’entrée des travailleurs et étudiants étrangers pourraient être réduites ou supprimées, obligeant les entreprises à recruter davantage localement ou à justifier plus strictement leurs besoins en main-d’œuvre étrangère.
  • Répartition interprovinciale des demandeurs d’asile : Le gouvernement fédéral pourrait être contraint d’appliquer une répartition plus équitable des demandeurs d’asile entre les provinces, comme François Legault l’a déjà suggéré, bien que cette mesure soit politiquement délicate et pourrait rencontrer une résistance de la part d’autres provinces.

Source : La Presse

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Écrit par
Laurent Gigon

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