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Merci M. Sarkozy

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Il y a quelques jours, le Président de la France a rejeté le « sectarisme » et « l’enfermement sur soi » en parlant de manière à peine subtile du mouvement souverainiste québécois. En l’écoutant, j’ai souhaité profondément le remercier.

Il a eu en effet cette prise de position claire que j’attendais depuis longtemps d’un chef d’état français. Cela met enfin un terme à cette politique d’ambiguïté que la France entretient à l’égard du Québec – le fameux « ni-ni » – depuis la fameuse déclaration du Général de Gaulle un soir d’été en 1967. Levons justement toute ambivalence : ce n’est pas tant ce qu’il pense du mouvement souverainiste québécois que la franchise de sa pensée que j’apprécie. Car la clarté de sa position n’a d’égale que le flou de sa maîtrise du dossier tant il fait une analyse tronquée du mouvement souverainiste. On appréciera la leçon de pédagogie : ouvrez-vous au monde, quitte à dire n’importe quoi sur lui.

Ceci dit, les choses sont enfin claires maintenant : son parti pris pour l’unité canadienne devrait être interprété par le mouvement souverainiste comme la fin des illusions stériles qu’il nourrit depuis longtemps dans un soutien français à sa cause. Avoir de tels espoirs – c’est-à-dire scruter anxieusement chaque mot, geste et inflexion de voix de la diplomatie française dès que celle-ci se prononçait sur le statut du Québec au sein du Canada – revenait à entretenir une situation de néo-colonialisme d’un Québec raccroché à la France. Car, en effet, comment qualifier autrement cette histoire franco-québécoise où, sous le vernis doucereux et suranné d’une relation de cousinage, tous deux savent très bien que dans cette relation, l’un n’a pas autant besoin que l’autre de lui.

En rompant ainsi ce cordon ombilical symbolique, Mr Sarkozy rend donc un très grand service au mouvement souverainiste. Ce dernier doit saisir cette rupture comme une opportunité unique pour repenser les fondements philosophiques de sa pensée politique. J’adhère ainsi aux propos du conseiller élu à l’Assemblée des Français à l’étranger pour l’est du Canada, Mr. François Lubrina : selon lui, les propos de Mr Sarkozy devraient « fouetter » les souverainistes en développant une « autonomie » de pensée. Vouloir fonder un pays exige en effet un effort constant de renouvellement de la pensée pour se délier, peu à peu, de toutes les vassalités réelles ou symboliques.

Il est donc très important de voir le potentiel libérateur et émancipateur dans la position du président français : le séisme qu’il a suscité dans le mouvement souverainiste porte les germes d’une réflexion à rénover. Ce qui aurait été impensable si Mr Sarkozy avait exprimé un appui clair et inconditionnel à l’indépendance du Québec : bien au contraire, repu d’un tel « despotisme doux » renouvelé – pour paraphraser Tocqueville – le mouvement souverainiste aurait continué dans sa ronronnante relation avec la France. D’ailleurs, comme le souligne le chroniqueur Vincent Marissal, il est assez paradoxal de solliciter constamment l’avis de la France dans la question souverainiste tout en lui reprochant, de l’autre côté, de se mêler de ses affaires quand cet avis ne satisfait pas « la cause ». L’ingérence – car c’est bien de ça dont il s’agit – marche dans les deux sens. En fait, les souverainistes se sont fait servir aujourd’hui par Mr Sarkozy ce que les fédéralistes se sont fait servir par Mr De Gaulle en 1967.

Certes, on peut comprendre que l’appui d’un pays comme la France soit très précieux quand on est une petite société, surtout quand on est culturellement et linguistiquement minoritaire. Dans ce type de jeu politique, la game est nécessairement un rapport de forces où chacun tente de consolider  sa position en allant se chercher le plus possible d’appuis. Ainsi, la lettre de protestation commune du Parti Québécois et du Bloc Québécois rentre dans ce jeu où il était nécessaire de répliquer pour la forme. Le reste n’est que babillage.

Je ne sous-entends pas qu’il faille désormais réinterpréter les multiples relations entre la France et le Québec comme autant d’expressions d’une domination néocoloniale implicite. Ni qu’indépendance doit rimer avec autarcie. Les relations franco-québécoises sont et doivent rester solides mais un pragmatisme doit l’emporter sur un certain romantisme dont le défaut principal est de prendre l’autre pour acquis. Il s’agit donc de se défaire de certaines représentations qui sont devenues, avec le temps, autant d’obstacles empêchant le Québec de s’assumer pleinement dans l’originalité de son identité, conjonction de ses héritages français, anglais et nord-américain. Et surtout de cette autre chose qui est uniquement et exclusivement québécois.

L’opportunité, par nature, est un instant déterminant où tout peut se jouer. Il ne s’agit donc pas de rester cabré mais de profiter du momentum comme on dit en langage politique. Une chose intéressante à faire serait peut-être donc de prendre toute cette énergie dépensée à vouloir voir la France et les français pour ce qu’ils ne sont plus depuis longtemps et la réinvestir vers ces néo-québécois pour ce qu’ils souhaitent être depuis longtemps pour le Québec.

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