9 août, Montréal, Québec. Le compte a rebours a cessé depuis déjà un an. Je suis là en train de réfléchir; en train de remonter la courbe de mon temps depuis mon arrivée. Il y a un an, j’étais à Marignane dans le Sud de la France. Seul, devant une porte d’embarquement, partagé entre l’excitation et l’angoisse. Car avouons-le, il fallait être un peu fou pour tenter l’aventure. Ou plus exactement être sacrément motivé pour défier l’inconnu. On se figure souvent connaître un pays à travers des vacances; c’est une grossière erreur. Il faut se fondre dans son décor pour s’en faire une idée. Alors voilà, aujourd’hui j’ai un an. Un an de vie loin de la côte basque ou du chant des cigales. Sur notre échelle humaine c’est encore peu de chose, mais face à mon expérience c’est un pas de géant…
Venir ici était une chance à saisir, un pari engagé depuis dix années. Dans la plupart des cas, les départs sont rêvés mais non réalisés. Ils sont imaginaires nourris de nos fantasmes et de nos idéaux. Habitués au confort de notre immobilisme, nous préférons souvent ne pas prendre le risque. Et si au bout du compte, le risque était de ne jamais sortir de notre périmètre? Parfois il faut savoir foncer sans se poser de questions. Non pas la tête la première de peur de s’écraser, mais les pieds en avant pour se réceptionner. Mon parcours est à la base semblable à tous les autres. Il a seulement bifurqué à un moment donné. Poussé par la curiosité et un désir intense, je suis venu au Québec comme d’autres vont au Japon (Gege), en Australie (Justin) ou aux Etats-Unis (Seb)…
Je ne désire pas trouver l’Eldorado mais me dépayser. Poser mes bagages quelque part sur le globe pour mieux m’enrichir. Car vivre en Amérique du Nord c’est aborder sa vie différemment: apprendre à relativiser sur son propre passé pour se « re-éduquer ». Ce verbe qui, à l’écrit prête à sourire, prend un autre relief dans la réalité. Il est synonyme d’une adaptation progressive pour une meilleure réalisation. Autrement dit, il ne suffit pas de vivre dans un pays pour en saisir les moeurs, il faut savoir aussi se mettre à la portée de sa culture. Se sensibiliser à l’art de vivre américain et à ses dérivés. Une série de codes sont venus ainsi s’ajouter à ma base pour modifier mes mécanismes. J’avoue avoir eu des difficultés avec certains principes. Pour l’orientation par exemple, il a fallu me familiariser avec le gigantisme (système de repérages par intersections) tandis que j’expérimentais les questions du pourboire (au Québec il fait parti intégrante du salaire des serveurs donc le client est obligé de le rajouter à sa note) et de la carte de crédit (rien avoir avec notre CB traditionnelle). Pourtant ces petites galères ont eu le mérite d’être nécessaires. Elles ont été des tremplins précieux à mon intégration…
Mais le plus grand défi a été, sans aucun doute, de concilier l’Absence. D’assumer totalement ma prise de distance vis-à-vis de la France. Cela équivaut à faire le sacrifice d’un autre quotidien même si on espère rester un maillon de la chaîne. Là encore il faudra user de tous nos stratagèmes afin d’espérer réduire le vide des distances. Alors admettons que tout ne peut réussir selon nos plans. Que nombre de liens et de sentiments vont se perdre dans le néant. Et puis quoi? C’est le tribut à payer pour notre indépendance…En un an, mon carnet de route est déjà bien rempli. Il a noirci des pages jusque lors encore vierges. Alors si on me demandait pourquoi je suis ici, je répondrai ceci:
Il n’y a pas de grandes destinations ni de terres d’exception. Il y a simplement des rencontres qui nous animent d’un feu nouveau. Des lieux qui nous poussent à agir pour mieux nous aguerir!
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