Voilà je suis Canadien - Immigrer.com
mardi , 15 octobre 2024
Accueil Blogs Voilà je suis Canadien
Blogs

Voilà je suis Canadien

0
0
(0)

Canada Inc.

Ben voilà, c’est fait. Je suis canayen.

Le 08 septembre dernier, je passais l’examen de citoyenneté. Le 26, je recevais l’avis de convocation pour la cérémonie de citoyenneté : un juge de la citoyenneté était donc disponible pour donner la bénédiction fédérale. L’avis indiquait que je devais me présenter le lundi 16 octobre à 14 :00 au Centennial Theatre à Lennoxville. Je devais m’y rendre muni de ma confirmation de résidence permanente ou CRP (IMM 5292), de ma carte RP, du présent avis et d’un livre saint si j’estimais cela nécessaire lors du serment d’allégeance.

L’avis précisait que si je ne pouvais me présenter, j’avais deux possibilités : soit je présentais une nouvelle demande de citoyenneté (traduction : un an d’attente et repayer les frais de traitement), soit je devais rencontrer un juge et le persuader que mon absence était justifiée. Le tout à l’intérieur d’un délai de soixante jours après la date de la cérémonie. Face à un choix tellement intéressant qu’il ne me laissait finalement guère le choix, je me dis que j’allais y aller d’une journée de congé ! Et de toute façon ‘ à moins d’un décès dans mon entourage ou d’une raison de santé ‘ je l’aurai quand même pris ce congé.

Grincement de dents : le Centennial Theatre se trouve sur le campus de la très anglophone Bishop’s University. Je ne tenais pas non plus à ce que cela se fasse à la très francophone Université de Sherbrooke : j’aimais simplement à croire que cela aurait pu se passer dans un bâtiment fédéral, lieu théorique de neutralité linguistique. Whatever ‘

Au jour dit, me voilà au Centennial Theatre accompagné d’un ami (québécois souverainiste). Le hall d’accueil est rempli de monde dont la plupart dans une file d’attente : c’est celle des personnes convoquées qui attendent leur tour de faire valider leur présence auprès des agents de CIC installés en face de l’entrée de la salle où aura lieu la cérémonie. Après quelques minutes, vient mon tour de me présenter aux agents. Une charmante dame me souhaite la bienvenue et me demande de lui présenter mon avis de convocation, ma carte RP, ma CRP et une pièce d’identité. Elle vérifie sa paperasserie, prend ma carte RP en me disant qu’elle la garde car je n’en aurai désormais plus besoin et avant de rendre ma CRP, y tamponne la phrase suivante :

« LE TITULAIRE N’EST PLUS RÉSIDENT PERMANENT / THE HOLDER IS NO LONGER PERMANENT RESIDENT »

Wow, ça fesse en titi de lire ça. J’ai travaillé fort pour obtenir ce statut. Et la madame vient tout juste de me l’enlever. En cet instant précis et jusqu’au moment de prêter allégeance, je suis quoi ? Un mutant mi-RP mi-citoyen canadien ? Un sans statut fixe perdu dans les limbes de CIC ? Il m’arrive quoi si une guerre atomique éclate à l’instant au Canada ? Ou si le juge s’étouffe avec une croustille dans les prochaines minutes ? Sans tout ce monde qui attendait derrière moi, j’aurai gratifié la charmante dame de toutes mes angoisses existentielles : je suis certain qu’elle aurait apprécié mon initiative, si si.

C’est maintenant où je n’ai jamais été aussi proche de devenir citoyen canadien que je me retrouve itinérant de l’immigration. Bref, je rentre dans la salle où s’y trouve déjà beaucoup de monde. Sur la scène : deux tables avec des chaises et les treize drapeaux des provinces et territoires, flanqués de deux drapeaux canadiens. Rapidement, la salle se remplit : au stress de l’examen de citoyenneté, l’excitation a pris la relève. Aux éclats de rire rivalisent les sourires aux visages, sans parler des enfants qui ont clairement pris possession des lieux, qu’on se le dise. Certains ont sorti la tenue des grandes occasions : du plus classique (costume, cravate) au plus bigarré et chatoyant, reflétant la diversité culturelle des immigrants. Un régal pour les yeux.

Vers 14 :45, une agente d’immigration se met en face de l’auditoire et nous souhaite la bienvenue dans les deux langues. Elle nous rappelle l’extrême importance de la cérémonie d’aujourd’hui et nous confie son bonheur d’y participer. Elle tient une énorme pile de certificats de citoyenneté nominalisés et fait l’appel pour voir si tout le monde est là. On est impressionnés par sa facilité à prononcer tous les noms sans en écorcher aucun. Un soulagement gagne chaque personne nommée, comme si elle disait : « ouf, je fais bien partie des immigrants qui recevront la citoyenneté aujourd’hui ! ». D’autres, inquiets, se lèvent en disant qu’ils n’ont pas été appelés alors qu’ils ont reçu la convocation. L’agente, d’un ton qui se veut rassurant, les invite alors à voir ses collègues à l’entrée. Chaque personne nommée est invitée à s’asseoir aux places en avant. Histoire de souligner qu’elles sont les personnes honorées aujourd’hui.

Il y eut ensuite un petit flottement : l’agente est en effet allée se changer pour agir à titre de greffière car la loi prévoit que seul un juge peut octroyer la citoyenneté. Quelques minutes plus tard, elle revient accompagnée de l’Honorable Juge Mr Simard. Tout le monde se lève alors à l’entrée de la cour et se rassit à la suite du juge.

Et là, nous avons eu droit à tout un plaidoyer de l’Honorable. J’avoue en toute sincérité que Mr Simard m’a laissé très perplexe : encore aujourd’hui, je ne sais pas si je dois rester impressionné par sa conviction profonde et sincère dans un Canada multiculturel harmonieux ou si je dois l’applaudir pour sa performance d’acteur. À certains moments, il m’agaçait franchement : son ton paternaliste me donnait l’impression de voir le patriarche d’un clan à qui il serait en train de léguer quelques Tables de Loi. Bien sûr, j’admet mon à priori négatif considérant mon approche souverainiste. Mais c’était de bonne guerre : il agissait en effet en tant que représentant officiel du Canada.

Ma conclusion : au mieux, il y croyait à son Canada et c’était franchement beau à voir (même mon chum l’a admis). Au pire, il ne faisait que son travail. Et au pire des pires, c’était Mickey Mouse qui vantait les bienfaits de Disneyworld. C’est le moment parfait de clarifier ma position face à l’obtention de la citoyenneté canadienne. Premièrement, j’admire le Canada. Si mon admiration se base sur les qualités du pays, elle tient compte aussi de ses limites : parfois même, ces mêmes limites peuvent rehausser mon admiration. Par exemple, même si je crois que la Loi sur le Multiculturalisme est une impasse juridico-culturelle, j’applaudis ce v’u (pieux). Si cela vous intéresse, je vous suggère d’ailleurs ces deux articles de socio sur la question de la citoyenneté canadienne en lien avec le multiculturalisme [1]-[2] À l’inverse, j’associe l’idolâtrie à une admiration naïve qui exagère les qualités et occulte les limites : c’est mon sentiment concernant le discours de l’Honorable. Là où j’ai vraiment décroché, c’est lorsqu’il mentionna qu’un citoyen canadien se doit de se tenir informé des grands enjeux de la société ‘ après avoir rappelé, avec insistance, la cohabitation harmonieuse qui a toujours existé entre les deux cultures fondatrices ‘ politically correct ? –

Deuxièmement, Gilles Duceppe, chef du Bloc Québécois, a récemment précisé que les valeurs canadienne et québécoise sont très similaires (à quelques exceptions près bien entendu ‘). Je le cite non pas pour appuyer ma position mais pour rendre à César ce qui est à César car je n’avais pas approfondi la question de manière rigoureuse avant de l’entendre en parler. Autrement dit, des espaces communs sont partagés par les citoyennetés canadienne et québécoise : il ne s’agit pas de deux pôles complètement opposés. À mes yeux donc, devenir citoyen canadien c’est devenir aussi citoyen québécois sur plusieurs plans (et inversement).

Troisièmement, comme mentionné dans ma précédente chronique : ce n’est que parce que les circonstances sont ce qu’elles sont actuellement que j’ai abouti dans ma réflexion d’adhérer à l’option séparatiste. Autant je suis convaincu de la pertinence de cette option pour le Québec, autant je reste ouvert à continuer d’écouter les arguments fédéralistes.

Pour toutes ces raisons, j’éprouve donc une fierté certaine à devenir canadien.

Et je vais travailler très fort à en être plus fier en continuant d’agir à mon niveau pour une reconnaissance accrue de la société québécoise. C’est ainsi que j’ai, dans un premier temps, réglé la fameuse question du serment d’allégeance à la Couronne. Parce qu’un Canada dont je serai encore plus fier sera celui qui saura reconnaître ultimement le caractère distinctif du Québec et qui, par conséquent, lui donnera les moyens d’assumer concrètement son autonomie. Comme la doctrine Gérin-Lajoie concernant les relations internationales québécoises par exemple [3]. Dans un second temps, si un prochain référendum sur la souveraineté l’emporte, je me considérerai délié de mon serment d’allégeance comme quiconque d’ailleurs qui habitera au Québec à ce moment-là et qui choisira de s’estimer délié.

Fais-je preuve de complaisance intellectuelle ? D’interprétation orientée ? De justification boiteuse ? Intéressé à lire les réactions s’il y en a.

Arrive d’ailleurs ce qui constitue officiellement le moment fort de la cérémonie : le serment d’allégeance. La greffière nous rappelle que pour cet instant en particulier, il est formellement interdit de prendre des photos ou de filmer. Elle demande à tous les futurs citoyens canadiens de se lever et de lever la main droite et de répéter après elle le serment [4]. À ce moment, Mr Simard intervient pour inviter les citoyens canadiens présents de participer également au serment, une façon pour eux de réitérer leur appartenance au Canada – petit regard en coin en direction de mon ami, t’es même pas game –

La majorité des nouveaux citoyens se sont levés pour prêter allégeance en français. Pour la petite histoire : je n’ai pas croisé mes doigts, que ce soit des mains ou des pieds. Par la suite, quelques personnes se sont levées pour prêter serment en anglais.

« Vous voilà maintenant citoyens canadiens. » a ensuite lâché d’un ton solennel Mr Simard.

Il y eut un court silence d’émotions mélangés. Certains se sont regardés, quelque peu abasourdis, d’autres ont fait le signe de croix. Et moi, je prenais mentalement des notes pour ma chronique. Nous nous sommes tous rassis. Le juge et la greffière sont ensuite descendus de la scène pour se mettre en avant de l’auditoire : consciente de l’émotion ambiante, la greffière dit d’une voix douce qu’elle allait maintenant appeler chaque nouveau citoyen pour que le juge lui remette son certificat.

C’est maintenant que le vrai moment fort a pris place selon mon ami et moi : lorsque chaque personne se levait et descendait pour serrer la main du juge et recevoir son certificat. Particulièrement émouvant quand une famille (parfois jusqu’à quatre enfants avec les deux parents) recevait certificats et félicitations du juge. Il était clair que pour beaucoup, la naturalisation constituait un aboutissement de démarches administratives mais surtout d’expériences affectives, familiales et personnelles. Le paternalisme du juge était d’ailleurs de bon aloi : en tant que nouveaux citoyens, nous venions d’intégrer la grande famille canadienne a mari usque ad mare. Et le temps d’une photo avec Mr le juge, oublions les débats socio-démographiques, économiques, linguistiques et culturelles reliées à l’immigration – cheese –

Le juge remettait à chacun trois documents insérés dans une même pochette :

– un certificat d’une valeur symbolique avec les armoiries du Canada, une représentation de la Tour de la Paix à Ottawa et un message de Monte Solberg, l’actuel ministre fédéral de l’immigration
– un message de bienvenue de Michaëlle Jean, l’actuelle gouverneure générale du Canada
– un certificat de citoyenneté canadienne d’une valeur juridique avec photo de format carte de crédit

Ce 16 octobre 2006, ce sont 196 nouveaux citoyens canadiens en provenance de 45 différents pays (tous les continents étaient représentés) qui ont été assermentés à Sherbrooke. Le même jour et au même endroit, à 19 :30, 150 autres allaient devenir également citoyens canadiens. Et si l’on se fie au rapport annuel au Parlement sur l’immigration de 2005, ces 346 nouveaux citoyens canadiens feront partie des quelques 170 000 naturalisations à la grandeur du Canada pour cette année [5]. D’où le titre de cette chronique : pour moi, ça fait un peu manufacture de citoyenneté canadienne. D’ailleurs, suite aux rapatriements de canadiens durant la guerre au Liban, certains députés de la Chambre des Communes ont dénoncé certains abus à tel point que le gouvernement fédéral songe à réviser le principe de multi-citoyenneté cet automne [6].
L’édition du 20 octobre dernier de Il va y avoir du sport allait dans le même sens en posant clairement la question: « donne-t-on la citoyenneté canadienne trop facilement ? » [7]. Si des panélistes (avocats en immigration) dénonçaient le caractère raciste du processus administratif de l’immigration ‘ existence de quotas cachés selon eux ‘ et qu’il fallait reconnaître les tragédies humaines des réfugiés politiques, d’autres panélistes dénonçaient la « wal-martisation » de la citoyenneté où certains magasinent les citoyennetés comme des polices d’assurances. Et soulignaient la naïveté du processus de préparation à l’examen de citoyenneté [8]. Et Marie-France Bazzo, lucide, de conclure que l’affaire du rapatriement du Liban n’est que l’expression d’une toile de fond où, dans un contexte de mondialisation, l’instrumentalisation de la citoyenneté canadienne va s’imposer comme un débat majeur de la société.

Je suis désormais citoyen canadien au sens juridique du terme. Suis-je pour autant citoyen au sens culturel du terme ? Après plus de sept ans ici, je ne le crois pas : encore tant à apprendre et à vivre ! À commencer par ma première expérience de vote. Dernière anecdote : à la sortie du théâtre se trouvait une table où y avait été posés plusieurs petits drapeaux canadiens et une pile de copies de la Charte Canadienne des Droits et Libertés [9] Si les drapeaux se sont envolés comme des petits pains, la Charte a eu beaucoup moins de succès. Droits et devoirs ‘

[1] http://www.erudit.org/revue/socsoc/1999/v31/n2/001395ar.html
[2] http://www.erudit.org/revue/socsoc/1999/v31/n2/001354ar.html
[3] http://www.mri.gouv.qc.ca/Paris/_scripts/Actualites/ViewNewQcNews.asp?ID=201&lang=fr
[4] http://www.cic.gc.ca/francais/citoyen/regard/regard-19.html
[5] http://www.cic.gc.ca/francais/pub/rapport-annuel2005/section5.html#2
[6] http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2006/09/22/002-revision-double-nationalite.shtml [7] http://www.telequebec.qc.ca/emissions/ilvayavoirdusport/episodes.aspx?episode=8000_276_58
[8] http://www.cic.gc.ca/francais/citoyen/regard/regard-00.html
[9] http://lois.justice.gc.ca/fr/const/annex_f.html#I

Évaluez cette page

Cliquez sur l'étoile pour voter

Note moyenne 0 / 5. nombres de votes: 0

Aucun vote! Soyez le premier à voter

Nous sommes désolés que vous ayez trouvé cet article peu utile

Améliorons cet article!

Dites-nous comment l'améliorer ?

Leave a comment

Centre Éducatif

Publicité

Les plus lus récemment

Publicité

Abonnez-vous à notre Newsletter

S’abonner

Publicité

Les plus commentés récemment

Derniers commentaires

Discussions en cours

Articles similaires

3 choses que j’aurais aimé savoir sur l’emploi au Québec

5 (1) Dans deux ans, je vais avoir 20 ans d’expérience québécoise. En...

Ce que j’aurais aimé savoir sur l’hiver à Montréal ?

5 (1) Avant de venir au Québec, je me posais la question :...

D’immigrante à responsable de l’attraction de travailleurs internationaux

1 (1) En juin 2010, je quittais la France avec mon mari...

Mieux comprendre les taxes au Québec

0 (0) Introduction pratico- pratique : Pour des raisons de commodité, l’utilisation...

>
Ouvrir un compte bancaire avant mon départ
© 2024 immigrer.com