Au Québec, 10 ans après, je suis dans une drôle de situation - Immigrer.com
lundi , 18 mars 2024
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Au Québec, 10 ans après, je suis dans une drôle de situation

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J’avais quelque peu déserté le site après mon installation au Québec en 2007, mais une furieuse envie de renouer avec mes origines m’a prise. Je me suis aperçue que mon profil était probablement un peu long et entrerait plutôt dans le cadre du forum sur les bilans de l’immigration. Alors voilà, je le remets ici. Je n’ai rien d’autre à ajouter si ce n’est que, 10 ans après, je suis dans une drôle de situation. Mes amis français me disent : ah oui mais toi tu es canadienne, donc tu n’as rien à dire sur la France. Mes amis canadiens me disent au contraire : tu n’es pas née ici, tu ne peux pas comprendre … Aucun ne comprend le principe de la double citoyenneté. Alors oui, je m’informe : TV5 pour les nouvelles de la France, Radio Canada pour le local, en passant par les news américaine. Je suis de partout et de nulle part. Et même si certains ne veulent pas le comprendre, je revendique ma double citoyenneté, qui me donne une ouverture sur le monde particulière.

Le Québec et moi, c’est une grande histoire d’amour et de haine. Depuis mon premier séjour d’une année dans les années 90, je ne rêvais que d’une chose : y retourner. Ce qui fut fait en 2007, après quelques voyages de reconnaissance et l’aide d’internet et de quelques amis pour y tisser de nouveaux liens. Le 1er juillet nous débarquions en tribu avec  enfants et chien à Dorval. Depuis nous avons pas mal roulé notre bosse : 8 emplois pour moi, 5 pour mon conjoint, 3 déménagements, 2 chevaux et 2 chiens. Le tout en seulement 10 ans.

Nous avons réalisé notre rêve : nous nous sommes installés en campagne à une heure de la ville la plus proche, et nous avons construit un ranch. Un vrai ranch, avec des chevaux et 40 hectares de terrain. Nous avions juste oublié une chose : notre âge. Eh oui, le compteur tourne … Nous sommes aujourd’hui dans la cinquantaine avancée et me lever le matin à 5h30 pour faire les boxes et nourrir les animaux, ce n’est plus de mon âge. Surtout quand on tombe sur l’hiver du siècle !  Je me souviendrai toute ma vie du 15 mars 2017 et de la neige qui bloquait la porte de l’écurie. Nous avons du mettre à peu près 2 heures à déneiger ce jour là… À 40 ans, même 45, c’est amusant. Après, c’est fatigant. Ou alors il faut avoir du matériel : un tracteur, des équipements de ferme. Du stock. L’idéal c’est de vivre en communauté, de pouvoir compter sur la famille et les amis et de s’y mettre tous ensembles. Heureusement, la solidarité campagnarde est grande : nous avons toujours pu compter sur notre voisin, que ce soit pour déneiger en hiver ou faire les foins en été. C’est important.

Nous avons donc pris la décision de retourner vivre en ville. C’était le projet d’une vie, mais nous l’avions juste démarré un peu trop tard. Aujourd’hui nous passons le relais à d’autre pionniers, prêts à se lancer dans une nouvelle aventure. Ouvrir un ranch ou une activité d’éco-tourisme, avec des chiens de traineaux par exemple … C’est l’endroit idéal pour ça. Il y a de quoi faire de belles randos sur notre forêt privée. C’est important parce qu’au Québec la notion de droit de passage n’existe pas. La propriété privée c’est sacré. Donc, impossible de traverser un champ à cheval ou avec son chien sans autorisation (en général un contrat avec monnaie sonnante et trébuchante). Vous risquez de vous faire courser en 4 roues ou, pire, de voir votre chien pris dans un piège à loups. C’est pour cela que nous avions acheté un aussi grand terrain : pour être chez nous. Mais c’est une aventure terminée, et nous passons à présent à une autre étape de notre vie.

Nous habitons désormais à Québec, avec juste un cheval et, quand même, deux chiens. Impossible de nous passer de nos compagnons à quatre pattes, ils nous donnent tellement !

Moi, l’artiste peintre – écrivaine – cow girl, j’ai repris un emploi de bureau. Ce n’est pas ce dont je rêvais, loin de là, mais ça paie les factures et cela me libère l’esprit pour créer sereinement sans craindre l’avenir. Je participe à des symposiums de peinture, j’expose, je peins, j’écris et je monte à cheval. La belle vie, quoi !

Le bilan de ces 10 années, c’est que le grand défi de la vie au Québec n’est pas ce que l’on croit. L’hiver et le froid ne posent aucun problème. Sérieusement. Les maisons sont isolées, on a des pneus neige sur les voitures, et on s’habille en conséquence. Non, le froid, ce n’est rien. Le défi, ce sont les québécois eux-mêmes. Bien sûr nous avons des amis québécois, on est n’est pas des sauvages. Mais il faut comprendre une chose : le français, même celui qui s’intègre et se fond dans la masse, sera toujours un étranger. Même après 10 ans, même après 20 ans. Les québécois vivent entre eux en famille et ne sortent jamais. Il n’y a qu’à regarder les jardins, même en été : il n’y a personne dehors. En France les gens s’invitent, on prend facilement l’apéro chez l’un ou chez l’autre. Ici on va au resto. En 10 ans nos amis se comptent sur les doigts d’une main. En France nous avions des amis chez nous tous les samedi soirs, c’était porte ouverte. Ici non, ce n’est pas possible. Ou alors il faut faire un grand ménage avant de recevoir du monde. Parce que les maisons sont aseptisées.  On reçoit quand on a un intérieur digne d’un magasine de décoration, ou alors on ne reçoit pas.

Il y a aussi une chose qui m’horripile : quand on me précise au resto que le pourboire n’est pas compris. Bien sûr que je sais que le pourboire n’est pas compris, ça fait 10 ans que je vis ici et d’ailleurs, j’ai même la citoyenneté canadienne !!! Ah oui ? Ça fait longtemps que vous êtes au Québec ? Pourquoi êtes vous venus ici ? (regard vide d’incompréhension chez mon interlocuteur). J’ose à peine imaginer quelqu’un en France qui poserait les mêmes questions à un noir ou un arabe. D’ailleurs on n’oserait pas. On est quand même plus ouverts en France. Ici un français fait figure d’extra-terrestre. Alors un africain ou un asiatique … Ça doit vraiment être dur pour eux.

Il ne faut pas oublier que le Québec, c’est aussi le Canada. C’est pour ça que nous restons ici. Nous sommes canadiens, pays de la diversité et du multiculturalisme. C’est vrai, et nous le revendiquons. Et nous avons quand même quelques bons amis québécois, qui nous ont accueilli à bras ouverts. Mais nous souhaitons aujourd’hui nous tourner un peu plus vers la communauté française à Québec. Pas ceux qui vont et viennent, les bobos qui repartiront dans 2 ans. Non, les vrais expat, ceux qui s’installent et prennent racines. Parce que passé un certain âge, retourner en France est tout simplement impossible. Nous sommes trop américanisés à présent.

Par Kyofire

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5 commentaires

  • Je retrouve dans ce bilan une grande partie de mes propres impressions et constatations après 15 ans au Québec… Le commentaire de leboss_2017 apporte cependant un point de vue des plus intéressants et est d’une exemplaire sagesse…

  • Super votre bilan au bout de 10ans. De manière générale à mon humble avis , il me semble que vous avez réalisé vos rêves et vous sentez être épanouis dans votre pays d’adoption. Cependant, je ne suis pas d’accord sur certains points. Je n’ai pas l’habitude de commenter les bilans des uns et des autres, mais je me vois parfois obligé d’apporter des éléments de compréhension nouveaux que certains n’ont pas. Lorsque vous faites une comparaison des relations humaines (je veux parler des amitiés avec les quebecois) entre la France et le quebéc, étant moi même français d’origine étranger et vivant en France depuis plus de 10ans (j’ai aussi vécu au canada), je dois vous dire que c’est pareil avec les francais en France. Les français aussi vivent entre eux en France. Quelque soit, votre volonté de vous fondre dans la masse en France, on vous rappelle toujours que vous n’êtes pas français, pire si vous êtes noir ou arabe. Comme j’ai entendu des paroles racistes dans ce pays. En 10ans, je peux compter mes amis français (je veux dire blanc de souche si vous voulez) au bout des doigts. J’ai tellement fait des efforts depuis des années, pour faire comprendre à vos compatriotes que nous sommes les mêmes quelque soit la couleur de notre peau, ou l’endroit ou nous sommes nés, mais c’est de l’eau jetée sur le dos du canard. Enfin des comptes j’ai baissé les bras, je ne cherche plus à me faire accepter par qui que ce soit. Je m’en fous d’ailleurs. J’éssai de respecter les lois et après je continue mon chemin. Ceci n’est pas un avis personnel, mais plein de français d’origine étranger ou simplement des étrangers vivant en France partagent cet avis. J’en ai rencontré des masses en France. Je dois dire que, j’ai vécu dans au moins 5 pays pendat de longue période et j’ai visité presque une vingtaine de pays dans ma vie. Donc, je sais de quoi je parle. Je suis toujours ravi, lorsque j’entends des français qui vivent à l’étranger donne de ces avis. Sans doute, cela aide à avoir une vision différente sur la France ou on n’est né et qu’on a quitté pour d’autres aventures. En somme, l’herbe n’est verte nul pas, sinon simplement d’essayer de la rendre verte là ou nous nous trouvons à travers nos actes quotidiens.

  • J’avais envoyé un commentaire, il n’est toujours pas apparu, j’aimerais rencontré kyofire avant mon retour en France! Nous sommes sur l’île d’Orléans jusqu’au 26, nous aurions plein de questions à poser! Merci!

  • Bonjour! Nous sommes en vacances sur l’île d’Orléans et nous avons entamé les démarches pour venir vivre au Québec! Nous sommes là jusqu’au 26 août, serait il possible de vous rencontrer? Et comme le demande Vincent, où se situe votre ranch? Nous aurions plein de questions à vous poser!

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