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L’accès à l’emploi en question : minorités et handicapés

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À l’occasion d’une communication présentée dans mon département par un responsable des ressources humaines, j’ai récemment pris part à un débat intéressant sur la question de la discrimination et de la loi pour l’égalité d’accès à l’emploi. Même si la discussion a débordé sur l’intégration des minorités visibles, le sujet concernait l’insertion des personnes handicapées dans le monde du travail et particulièrement au sein de mon établissement. Cette frange de la population serait encore plus discriminée que les minorités visibles. On apprend qu’en 2001, on comptait 600 000 handicapés au Québec. Après plusieurs décennies de mesures incitatives pour encourager le recrutement de personnes handicapées et qui n’ont pas donné de résultats, cette catégorie a été intégrée en 2005 à loi d’accès à l’égalité en emploi.

L’objectif du débat est de sensibiliser les enseignants et le comité de sélection à combler un déficit de représentation des personnes handicapées parmi les enseignants. Selon les données de la direction des ressources humaines, les enseignants affichent un taux de sous-représentation important. Cependant, c’est toute la société qui a un retard à combler en la matière. C’est dire que notre conférencier du jour est allé droit au but et …pas avec le dos de la cuillère : à l’instar d’autres organismes, dans notre établissement, on discrimine encore. On discrimine les minorités visibles et on discrimine les handicapés. Certains collègues faisant partie ou ayant fait partie du comité de sélection se sentent insultés. « C’est juste un constat et je m’inclus dedans. J’appartiens à la direction des ressources humaines après tout. On le fait certainement de façon involontaire mais on pratique la discrimination alors qu’on devrait au contraire adopter des mesures facilitant l’accès des minorités à l’emploi ». Pour détendre l’atmosphère, je fais remarquer à l’assistance que je suis pourtant la preuve que les minorités visibles et ethniques ne sont pas sous-représentées dans mon département. Si l’on se tenait uniquement à mon département, je représente en tant que membre de comité visible, 7% de l’effectif. Un membre du comité de sélection répond que je n’ai pas été recruté parce que je faisais partie d’une minorité. Ce qui m’a bien sur fait plaisir mais la réalité est que les minorités visibles et ethniques et les handicapés sont encore peu présentes dans les effectifs professionnels de mon établissement même s’il y a des avancées.

Un collègue s’interroge pour savoir comment faire pour améliorer la représentation des minorités visibles et/ou des personnes handicapées si leurs représentants n’appliquent pas, ne présentent pas de demande de recrutement ? « Il faudrait se poser la question pourquoi ils n’appliquent pas. Peut être qu’ils pensent qu’ils n’ont aucune chance d’être retenus. En tout cas, il faut se poser la question » répond notre conférencier qui enchaine avant un rappel sur les origines des mesures incitatives à l’accès à l’égalité à l’emploi. « Il y a un peu plus de vingt ans, à la fin de mes études, j’avais éprouvé de grosses difficultés à me trouver un emploi en raison de la discrimination positive pratiquée à l’égard des femmes pour réduire le déséquilibre qui les touchait ». Selon lui, même si des inégalités persistent aujourd’hui dans certains secteurs, le monde du travail est ouvert aux femmes et aux hommes de façon plus équitable qu’il y a 30 ans. Signe que les mesures volontaristes adoptées ces dernières décennies ont permis un changement profond des mentalités. Aussi la promulgation en 2001 de la loi sur l’accès à l’égalité en emploi dans des organismes publics est justifiée.

Elle vise à assurer la représentation équitable dans les organismes publics de tous les groupes de la population. Et si les résultats sont mitigés 9 ans après, les raisons relèveraient surtout d’un manque de rigueur dans le suivi plutôt que du contenu de cette loi. Un autre collègue doute de l’efficacité de la loi d’accès à l’égalité en emploi tant qu’elle vise uniquement les organismes publics. « L’année dernière, j’ai eu du mal à trouver à placer un étudiant en raison de son nom exotique ». Notre conférencier comprend son souci mais insiste sur les mesures qui doivent être prises dans notre établissement où il a fallu tout de même attendre l’année 2005 pour qu’un programme d’accès à l’égalité en emploi soit mis en œuvre. Mais il est là, à présent. Son objectif étant « d’assurer une juste représentation des groupes victimes de discrimination (ou sous représentés) au sein de l’effectif ». Ça passe par l’établissement de rapports détaillés sur les effectifs des différents groupes professionnels et l’identification de ceux affichant une sous-représentation de certaines minorités et des handicapés. S’en suivent l’examen des règles et pratiques d’emploi et l’adoption de mesures visant à corriger ce déséquilibre. Il faut noter que par sous-représentation, on entend l’écart entre le taux de disponibilité des membres des groupes visés, qui répondent aux exigences requises dans la zone de recrutement, et leur représentation au sein de l’effectif. En matière des critères de sélection, les promoteurs de la loi sur l’accès à l’égalité mettent l’accent sur la sélection sur la base de « compétences équivalentes ». On va même jusqu’à parler de « compétences suffisantes ». La notion de « Compétences équivalentes » ne signifie pas la même chose que la notion de « compétences égales ». « Parce que l’évaluation de candidatures comprend une part de subjectivité et que les individus ont des forces et des faiblesses selon les compétences évaluées », les promoteurs du programme d’accès à l’égalité en emploi préconisent le classement des candidats par niveau de résultat plutôt qu’un ordonnancement allant du premier au dernier. Cela facilite l’application de la « nomination préférentielle », selon notre conférencier. Cette dernière notion s’articule autour de l’idée de définir les tâches essentielles pour un poste, c’est-à-dire des tâches comportant le plus de valeur en termes d’évaluation de l’emploi. En clair, si deux personnes, l’une handicapée et l’autre non, satisfont aux exigences minimales et ont les compétences pour enseigner, le comité de sélection devrait sélectionner, dans les conditions actuelles, la personne handicapée même si l’autre personne détient plus de compétences ou d’autres diplômes mais qui ne font pas partie des exigences minimales.

Le conférencier note que parmi les obstacles à l’emploi des personnes handicapées, l’existence de préjugés à leur égard comme ceux qui les présenteraient comme moins productifs ou qui auraient tendance à s’absenter plus souvent que les personnes sans handicap. On peut aussi parler de l’attitude qui consiste à penser que les adaptations requises pour l’emploi de personnes handicapées comportent toujours des coûts importants et que la société ne devrait pas avoir l’obligation de les assumer. Le représentant des ressources humaines note par ailleurs que parfois certaines exigences d’emploi sont surévaluées par rapport à d’autres. Il donne l’exemple d’une secrétaire dont la dextérité manuelle est moindre l’empêchant de rencontrer l’exigence de 60 mots à la minute, mais dont la maîtrise de l’orthographe et de la syntaxe sont supérieures. Dans une réponse à un collègue qui disait que certaines tâches d’enseignants peuvent être inadaptées pour un enseignant handicapé, notre interlocuteur lève enfin un autre préjugé à savoir que tous les handicapés ne sont pas en chaise roulante et tous les métiers ne sont pas inadaptés pour des personnes en chaise roulante. Il faut bien sur discuter de chaque situation mais il ne faut pas balayer d’un revers de la main les possibilités d’accès des handicapés à l’emploi simplement sur la base de préjugés. À la fin de la réunion, j’étais heureux d’avoir assisté à ce débat. Un débat qui témoigne à mon sens de la vitalité de la société québécoise Je suis davantage heureux de vivre dans cette société qui se soucie du Vivre ensemble. Certes il y a beaucoup à faire ici et là pour réduire des inégalités, cependant l’essentiel étant que notre société respire et dispose de la capacité de s’indigner face à l’injustice. Une société capable de se regarder en face et de se remettre en question.

Rayan

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Écrit par
Rayan

C’est à l’âge de 42 ans que Rabah alias Rayan arrive au Québec en octobre 2006 en provenance d’Algérie. Il s’installe avec sa famille dans la ville de Québec puis par la suite à Laval, au nord de Montréal. Rayan travaille dans l’enseignement et écrit depuis 2008 sur le site immigrer.com.

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