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Jamais aussi peu de grève depuis 40 ans au Québec

Ecrit par : Laurent 9-10 à 9:39

CITATION:
François Berger
La Presse

Le Québec connaît une paix sociale inégalée depuis 40 ans! Jamais les conflits de travail n’ont été aussi peu nombreux depuis la Révolution tranquille. Mais il s’agit d’une paix forcée autant pour les travailleurs que pour les patrons, fragilisés par la mondialisation de l’économie.

Seulement une vingtaine de grèves et cinq lock-out ont été déclenchés au Québec depuis le début de l’année, selon le ministère du Travail, du jamais vu dans les relations de travail depuis les années 60. Pour l’ensemble de 2006, des projections basées sur l’échéance des conventions collectives laissent présager un total d’une cinquantaine de conflits.

Depuis une décennie, de 1996 à 2005, une centaine de conflits éclatent habituellement chaque année, des grèves une fois sur 10. Tout un contraste avec les 200 à 300 conflits déclenchés chaque année durant les décennies 70 et 80, dans les secteurs public et privé. Il y en avait près de 170 par an au cours de la période de 1986 à 1995.

L’intensité des conflits de travail est mieux mesurée par le nombre de jours ouvrables perdus chaque année par tranche de 1000 employés : c’était plus de 1350 jours perdus en pleine crise des années 1976 à 1980, et seulement 250 depuis 2001. Cette année, ce seront à peine 50 jours perdus, selon les prévisions, un niveau comparable à celui de l’ensemble des pays industrialisés, où les conflits sont aussi généralement à la baisse.

La concurrence étrangère attisée par la mondialisation, les conflits commerciaux avec les États-Unis (notamment dans le bois d’œuvre) et les fluctuations du dollar sont autant de facteurs qui expliquent la réserve actuelle des syndiqués et de leurs patrons, commentent à l’unisson les syndicalistes, le patronat et les experts en relations de travail.

Quant au secteur public québécois, souvent très turbulent, il est moins sujet, du moins directement, à la mondialisation et il se trouve de toute façon soumis jusqu’en 2010 à un décret gouvernemental régissant les conditions de travail.

« Devant un marché devenu une sorte d’ennemi commun, les entreprises et les travailleurs voient aujourd’hui leurs intérêts converger », dit Michel Grant, professeur de relations du travail à l’Université du Québec à Montréal.

Pour Henri Massé, président de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la priorité est aujourd’hui de sauver des emplois. Le secteur forestier vit une « catastrophe nationale », dit-il, tandis que l’industrie du textile et du vêtement a un urgent besoin d’aide. Même son de cloche du côté de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), où la vice-présidente Denise Boucher parle de « compromis » avec les employeurs plutôt que d’affrontement.

S’il y a moins de conflits, ceux qui éclatent aujourd’hui durent plus longtemps qu’auparavant (65 jours en moyenne, au lieu de 55) parce que leur enjeu est souvent plus important. Il s’agit dans plusieurs cas de sauver des emplois.

« Avec la mondialisation, il n’y a souvent pas de marge de manœuvre », observe Simon Prévost, de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, qui regroupe 24 000 petites et moyennes entreprises au Québec. « Même dans les petites boîtes sans syndicat, les patrons ont tendance à discuter sans délai avec leurs employés quand il y a un problème », dit-il.

Le chercheur Jean Boivin, de l’Université Laval, note que les syndicats adoptent dorénavant un « comportement plus pragmatique » avec les employeurs. Il y a de « nouvelles méthodes de négociation », dit-il. Aussi, de nombreux contrats de travail sont maintenant de longue durée (cinq ou sept ans).

Les syndicats, qui regroupent 40 % des travailleurs québécois, ont beaucoup à perdre dans la conjoncture actuelle. Ce sont leurs membres qui écopent le plus, comme dans l’industrie manufacturière où 33 000 emplois ont été perdus de 2003 à 2005. Les deux tiers des fermetures et des réductions de personnel ont lieu dans le secteur manufacturier, notamment sous la pression de la concurrence chinoise et indienne, affirme un document d’analyse du ministère québécois du Travail.

Il n’est pas étonnant que seulement 3,6 % des renouvellements de conventions collectives aient donné lieu à un conflit au Québec, l’an dernier. En 1979, c’était… 16 % !

www.cyberpresse.ca/article1008…

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