Un effondrement brutal des demandes d’admission d’étudiants internationaux secoue l’ensemble des universités québécoises, provoquant une onde de choc économique. En l’espace d’un an, ces demandes ont chuté de 45,9 %, compromettant non seulement la stabilité financière des établissements d’enseignement supérieur, mais aussi la vitalité de nombreuses régions et de secteurs stratégiques de recherche. C’est ce que révèle un rapport de 230 pages intitulé Savoirs sans frontières, que Le Devoir a pu consulter.
Réalisée par le cabinet Volume 10, cette vaste étude s’appuie sur une centaine d’entretiens avec des personnalités de haut niveau — dont les anciens premiers ministres Pauline Marois et Jean Charest, et le scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion. Le constat est implacable : les politiques récentes d’Ottawa et de Québec créent une insécurité réglementaire qui décourage massivement les étudiants étrangers — avec un impact financier dévastateur.
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Des politiques restrictives, des pertes chiffrables
Depuis 2020, le régime d’accueil des étudiants internationaux a été modifié à 11 reprises. En janvier 2024, le gouvernement fédéral a imposé un plafond de permis d’études, amputant de 35 % le volume national par rapport à l’année précédente. Un second coup de frein est survenu en janvier 2025, avec une réduction additionnelle de 10 %. Québec a enchaîné avec l’imposition de quotas d’admission dans les universités dès février.
Résultat : les demandes d’admission internationales ont chuté de 45,9 % entre avril 2024 et avril 2025. Ce recul menace directement la principale source de revenus autonomes de plusieurs universités québécoises, particulièrement en région.
« C’est un système qui fonctionne par la rumeur », déplore Félix-Antoine Joli-Coeur, président de Volume 10. « Les changements qu’on n’arrête pas de faire au régime d’accueil, combinés aux signaux assez négatifs qui ressortent tant du gouvernement du Québec que de celui du Canada envers les étudiants internationaux, ont un effet dévastateur sur notre capacité à attirer les meilleurs talents ici. »
Une manne économique qui s’évapore
La baisse des inscriptions étrangères n’est pas qu’un problème académique : c’est un manque à gagner massif pour l’économie québécoise. Selon le rapport, les étudiants internationaux injectent chaque année 4,2 milliards de dollars dans l’économie provinciale, ce qui équivaut à près de 1 % du PIB du Québec.
Ils soutiennent environ 48 000 emplois directs et indirects, souvent concentrés dans des villes universitaires comme Sherbrooke, Trois-Rivières ou Saguenay, où ils font tourner les commerces, les logements et de nombreux services.
À court terme, le manque d’étudiants menace directement la survie financière de programmes d’études, notamment aux cycles supérieurs. Certaines universités envisagent de ne pas offrir certains cours dès l’automne prochain, faute d’un nombre suffisant d’inscriptions.
Les cycles supérieurs en péril
La situation est d’autant plus critique que les étudiants étrangers représentent une part essentielle du corps étudiant aux cycles avancés : 31 % à la maîtrise et 49 % au doctorat. Globalement, ils forment 18 % de la population universitaire québécoise.
« Il n’y a tout simplement pas assez d’étudiants québécois qui poursuivent des études avancées en science. Quand j’étais chercheur, sans l’apport des étudiants internationaux, mon laboratoire n’aurait jamais pu connaître un tel succès international », souligne Rémi Quirion.
Or, les universités dépendent fortement des droits de scolarité plus élevés payés par les étudiants étrangers, qui financent non seulement l’enseignement, mais aussi la recherche de pointe dans des domaines comme l’intelligence artificielle, le génie ou la santé.
« Dans la mesure où plus du tiers de la cohorte des cycles supérieurs provient de l’étranger, il serait simplement impossible de maintenir l’intensité de recherche universitaire sans son apport », tranche le rapport.
Un modèle à revoir
Le rapport Savoirs sans frontières plaide pour une refonte du système, en donnant aux universités le pouvoir d’établir leurs propres objectifs en matière d’accueil international. Selon ses auteurs, la gouvernance actuelle est trop centralisée et inadaptée aux réalités locales et aux défis du XXIe siècle.
« Au niveau de la recherche, de l’innovation, ce sont vraiment des étudiants internationaux qui vont beaucoup se retrouver dans ces domaines-là », note la chercheuse Leila Dhar. « Une richesse sous-exploitée qu’on devrait exploiter beaucoup plus. »
« Est-ce que le Québec veut participer à l’économie du savoir ou est-ce qu’on veut essentiellement être des exportateurs de produits bruts sans valeur ajoutée ? lance M. Joli-Coeur. C’est un peu ça, la question fondamentale. »
Source : Le Devoir
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