Un nouveau rapport de l’Institut pour la citoyenneté canadienne (ICC) relance le débat sur la capacité du Canada à retenir les talents qu’il attire. Publié dans le cadre du rapport annuel Leaky Bucket (« Le seau percé »), le document révèle qu’environ un nouvel immigrant sur cinq finit par quitter le Canada dans les 25 ans suivant son arrivée — et que les départs surviennent majoritairement au cours des cinq premières années.
Des départs particulièrement élevés chez les plus qualifiés
Le phénomène touche toutes les catégories d’immigrants, mais frappe surtout les travailleurs hautement qualifiés. Selon le rapport, les titulaires de doctorats et les professionnels spécialisés présentent les taux d’émigration les plus élevés, bien au-delà de ceux ayant un niveau d’éducation ou de compétence plus modeste.
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« Les professionnels en informatique, en intelligence artificielle, en finance, en ingénierie ou en architecture — ceux qui pourraient bâtir l’économie de demain — quittent le pays à un rythme alarmant », a expliqué Daniel Bernhard, chef de la direction de l’ICC, lors d’une conférence de presse à Ottawa.
Le premier rapport Leaky Bucket, publié en 2023, avait déjà révélé un pic historique en 2019, avec 1,2 % des nouveaux arrivants quittant le pays annuellement, comparativement à une moyenne historique de 0,9 %. Ce niveau est demeuré élevé en 2020 malgré les restrictions pandémiques.
Le rapport 2024 confirme cette tendance : 18 % des immigrants admis finissent par quitter le pays dans un horizon de 25 ans.
Des secteurs essentiels fortement touchés
Certaines professions stratégiques affichent des taux de départ préoccupants. En 2021, 36 % des immigrants travaillant dans le secteur de la santé avaient quitté le pays avant leur cinquième année au Canada.
Parmi les 16 professions les plus en demande, 10 affichent des taux de rétention inférieurs à la moyenne nationale. Les gestionnaires chevronnés présentent, eux, un taux de départ 19 % plus élevé que la moyenne.
Pour M. Bernhard, les données réelles sont probablement encore plus élevées depuis 2021.
20 000 futurs nouveaux arrivants pourraient quitter le Canada d’ici 2031
Si les tendances se maintiennent, l’ICC prévoit qu’un peu plus de 20 000 des 380 000 nouveaux résidents permanents attendus l’an prochain auront quitté le pays d’ici 2031.
Un système d’immigration exigeant… mais un accompagnement insuffisant
L’ICC pointe un paradoxe : même si le système canadien — notamment Entrée express — rejette 95 à 96 % des candidats et n’accepte que les profils les plus qualifiés, ces mêmes personnes se retrouvent trop souvent livrées à elles-mêmes une fois installées au pays.
Beaucoup finissent dans des emplois sous-qualifiés, faute de reconnaissance rapide de leurs diplômes ou d’un accompagnement vers des employeurs adaptés.
« On sélectionne les meilleurs du monde, mais on ne les aide pas à s’intégrer à la hauteur de leur potentiel », résume M. Bernhard.
Des écarts régionaux marqués
Le rapport souligne des différences notables selon les provinces :
- Atlantique : environ 36 % d’émigration après 25 ans — le taux le plus élevé au pays.
- Colombie-Britannique : 28 %
- Québec : 27 %
- Reste du Canada : environ 20 %
Ces chiffres suggèrent que l’environnement régional — marché du travail, intégration culturelle, reconnaissance des compétences — joue un rôle non négligeable dans la rétention des nouveaux arrivants.
Des milliards investis… mais une stratégie de rétention manquante
Le gouvernement fédéral a lancé une stratégie de 1,7 milliard de dollars sur 13 ans visant à attirer davantage de doctorants et de chercheurs internationaux, avec notamment l’objectif de réduire le traitement des visas à 14 jours.
Mais selon l’ICC, attirer n’est pas suffisant. Sans stratégie cohérente pour retenir ces talents — reconnaissance des diplômes, soutien ciblé à l’intégration professionnelle, jumelage avec les employeurs — le rendement de ces investissements demeure incertain.
Une fuite invisible : où vont-ils ?
Le rapport s’appuie sur les données fiscales nationales : un immigrant est considéré comme parti s’il cesse de produire une déclaration d’impôt pendant deux années consécutives.
Cependant, le document ne permet pas de savoir où les départs se dirigent — États-Unis, Europe, Moyen-Orient, Asie… aucune donnée ne permet de trancher.
Source : Le Devoir



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