Le nombre d’étudiants internationaux est en chute libre dans plusieurs cégeps situés en région cet automne, une situation jugée « catastrophique » par certains établissements d’enseignement. Dans plusieurs cas, la baisse est si marquée qu’elle menace directement la survie de programmes techniques essentiels à la vitalité économique locale.
Au Cégep de Matane, le nombre de demandes d’admission en provenance de l’étranger a chuté de près de 50 % cette année comparativement à l’an dernier. L’établissement accueille actuellement 181 étudiants internationaux, alors qu’ils étaient déjà plus de 300 avant la pandémie. Cette diminution a entraîné une baisse globale des inscriptions, ce qui inquiète profondément la direction. « Les impacts sont importants », reconnaît le directeur général, Martin Demers, qui voit déjà des effets concrets sur la capacité du cégep à maintenir certains programmes.
La baisse touche toutes les formations, mais elle frappe particulièrement celles qui reposent sur un petit nombre d’inscriptions. À Matane, les programmes de photographie et de tourisme sont désormais fragilisés. « Pour l’instant, on maintient les programmes, mais c’est clair que ça nous préoccupe », souligne M. Demers. Selon lui, la suspension du Programme de l’expérience québécoise (PEQ) décrétée par le gouvernement Legault a eu un effet direct sur le recrutement à l’international, en rendant le parcours d’immigration post-diplôme plus incertain pour les jeunes venus de l’étranger.
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Le son de cloche est semblable sur la Côte-Nord. Au Cégep de Sept-Îles, son directeur général, David Beaudin, parle d’un essoufflement brutal après plusieurs années de croissance. « On était sur une belle lancée, mais les restrictions viennent nous ralentir », dit-il. Les nouveaux quotas imposés sur les Certificats d’acceptation du Québec (CAQ) pour études limitent la capacité de recrutement des cégeps, tout comme les longs délais de traitement des demandes d’admission à Ottawa. « Certains étudiants ont arrêté complètement leurs démarches et se sont tournés vers d’autres options », observe M. Beaudin.
L’inquiétude est d’autant plus grande que plusieurs programmes régionaux dépendent en grande partie des étudiants internationaux pour survivre. À Sept-Îles, la moitié des inscrits dans les programmes d’informatique et de technologie minérale proviennent habituellement de l’étranger. Une baisse prolongée des effectifs pourrait donc mener à des conséquences « dramatiques », avertit la direction, qui redoute aussi des répercussions économiques plus larges. « La Côte-Nord, c’est une des seules régions en baisse démographique. On mise beaucoup sur les étudiants internationaux pour plusieurs emplois importants dans le milieu », rappelle M. Beaudin.
Le phénomène n’est pas isolé. Le Regroupement des cégeps de régions constate des baisses variables d’un établissement à l’autre, mais la tendance est générale. Son président, Sylvain Gaudreault — également directeur général du Cégep de Jonquière —, estime que la situation est alarmante. « Les étudiants internationaux sont une clé importante pour relever le défi démographique des régions. Cela fait au moins vingt-cinq ans qu’on dit qu’il faut régionaliser l’immigration ; la meilleure façon de le faire, c’est par l’enseignement supérieur », insiste-t-il.
Le Regroupement déplore également la « mauvaise publicité » entourant les études au Québec, qu’il juge parfois plus nuisible encore que les restrictions administratives elles-mêmes. Selon M. Gaudreault, le discours gouvernemental négatif sur l’immigration décourage certains candidats potentiels et ternit l’image d’ouverture du Québec à l’étranger. Il réclame en outre une meilleure coordination entre les gouvernements fédéral et provincial, afin de sortir du « labyrinthe kafkaïen » des démarches imposées aux étudiants étrangers.
Pour de nombreux établissements collégiaux, les étudiants internationaux représentent bien plus qu’une source de financement : ils constituent une bouffée d’air pour des régions qui peinent à attirer de la main-d’œuvre et à stabiliser leur population. Leur présence favorise aussi la diversité culturelle et la création de liens durables entre le Québec et le reste du monde. Or, la multiplication des obstacles administratifs, les incertitudes autour du PEQ et les messages politiques perçus comme hostiles risquent d’éloigner durablement une génération de jeunes talents.
La chute actuelle du nombre d’étudiants internationaux en région envoie donc un signal préoccupant. Si la tendance se maintient, elle pourrait accentuer la fragilité de plusieurs programmes techniques et compromettre, à plus long terme, le développement économique et démographique de régions déjà vulnérables. Pour plusieurs acteurs du milieu, il est urgent que Québec et Ottawa revoient leur approche afin que les cégeps puissent continuer à jouer leur rôle de moteur d’intégration et de vitalité régionale.
source : Radio-Canada
Crédit photo : Immigrer.com, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT), pavillon des Premiers peuples



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