Apprendre une nouvelle langue, c’est parfois bien plus qu’un défi académique. Pour un nombre croissant de résidents temporaires au Canada, c’est devenu un véritable levier pour s’ancrer durablement dans le pays. Alors que les seuils d’immigration ont été resserrés par Ottawa, plusieurs voient désormais dans la maîtrise du français une clé stratégique pour décrocher la résidence permanente.
C’est le cas de Harbal Deep Sidhu. Après avoir investi 42 000 $ dans une maîtrise en génie mécanique à l’Université de Windsor, il consacre aujourd’hui 2000 $ par mois à l’apprentissage du français. « Je suis très inquiet », confie-t-il. « Depuis que j’ai obtenu mon diplôme, il y a eu énormément de changements dans les lois et les règlements pour obtenir la résidence permanente. Les seuils sont très élevés, ce qui rend ça très difficile même pour un étudiant à la maîtrise ou au doctorat. »
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Chaque jour, ce jeune homme de 25 ans consacre deux heures à ses études linguistiques, espérant atteindre dans les six prochains mois le niveau requis par le ministère de l’Immigration. Avec son permis de travail qui expire dans deux ans, le temps presse. Pour lui, parler français est devenu une condition essentielle pour espérer rester au Canada.
Même constat pour Gurasees Singh, étudiant en systèmes informatiques au Collège St. Clair de Windsor. Dans son domaine, aucun point boni n’est accordé. Il mise donc sur le français comme « sa seule option pour obtenir la résidence permanente ». Et, dit-il, « au moins, le bilinguisme peut être un atout dans plusieurs entreprises de données et de réseautage informatiques ».

Un contexte migratoire sous tension
À la fin de 2024, le pays comptait environ 3 millions de résidents non permanents, selon Statistique Canada. Pourtant, seuls 395 000 d’entre eux pourront obtenir la résidence permanente en 2025, en vertu des nouvelles cibles gouvernementales. Pour franchir cette étape, les candidats doivent accumuler un score basé sur des critères comme l’âge, le niveau de scolarité, l’expérience canadienne… et la maîtrise d’une des deux langues officielles.
C’est dans ce contexte que plusieurs se tournent vers le programme Entrée express, principal système fédéral de sélection des candidats à l’immigration. Depuis 2023, ce programme accorde la priorité à ceux qui parlent français, notamment pour renforcer les communautés francophones en situation minoritaire hors Québec.
« Les candidats ayant des compétences en langue française peuvent recevoir jusqu’à 50 points supplémentaires », souligne Mary Rose Sabater, porte-parole d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC). À titre de comparaison, avoir un frère ou une sœur au Canada rapporte 15 points, et avoir étudié au pays, 30 points.
Un engouement grandissant
Cet attrait pour le français se reflète aussi sur les bancs d’école. Le Collège Boréal, qui offre des cours de français langue seconde dans toute la province, a vu ses inscriptions plus que doubler en un an à Toronto, passant de 22 à 49. « Avant, on pouvait avoir une session par mois de TEF », explique Loanna Thomaseau, gestionnaire de la formation continue au collège. « Et depuis six mois à peu près, c’est une session par semaine. Ces sessions sont toujours complètes. » Le Test d’évaluation de français (TEF), qui permet de faire valoir ses compétences linguistiques auprès d’IRCC, connaît une demande fulgurante. Des étudiants font même le trajet depuis Sudbury ou Ottawa pour y participer.
Et cette dynamique dépasse les frontières canadiennes. En Inde, Saurabh Sadana a lancé Learn French Enligne, une école virtuelle conçue pour préparer spécifiquement les candidats aux tests de français pour l’immigration. « Avec la demande grandissante pour ce type de cours, il y avait là une vraie opportunité d’affaires », affirme-t-il. Résultat : 700 inscriptions à ce jour et un chiffre d’affaires en hausse de 50 % depuis le lancement de son offre.
Le « tapis rouge » pour les francophones
Derrière cet intérêt, une politique migratoire de plus en plus explicite. « Le Canada a vraiment déroulé le tapis rouge pour les immigrants francophones », constate Me Joel Etienne, avocat en droit de l’immigration. « Autrefois, l’effort était spécifique au pays d’origine. Ce n’est plus du tout l’état des choses, et les critères d’admission sont vraiment beaucoup plus favorables pour les francophones à l’échelle du système d’immigration fédéral. »
Même écho du côté de Dhruv Sharma, consultant en immigration et fondateur de la firme Effizient Immigration. Il voit de plus en plus de clients se tourner vers la francisation, un choix qu’il recommande à ceux qui envisagent une carrière dans la fonction publique ou qui souhaitent s’installer dans une communauté francophone. « Pour certains, il peut y avoir des moyens plus faciles d’obtenir leur résidence permanente ou d’atteindre leur objectif en matière d’immigration. Cela dépend vraiment de la situation de chacun », nuance-t-il.
Une nouvelle voie pour les francophones
En mai 2025, le Canada a lancé une nouvelle voie d’immigration dédiée aux francophones, visant à renforcer les communautés francophones en situation minoritaire hors Québec. Ce programme, distinct d’Entrée express, permet aux candidats francophones de bénéficier d’un traitement prioritaire et de critères adaptés à leur profil linguistique et professionnel. Cette initiative s’inscrit dans la volonté du gouvernement fédéral d’atteindre une cible de 6 % d’immigration francophone hors Québec d’ici 2024, en réponse aux besoins démographiques et économiques des régions concernées.
L’immigration francophone devient une priorité permanente
- Depuis la modernisation de la Loi sur les langues officielles (LLO) en 2023, l’immigration francophone est une priorité institutionnelle pour IRCC.
- Une Politique en matière d’immigration francophone a été créée en consultation avec les communautés, les provinces et d’autres ministères.
Plan d’action 2023-2028 : 137,2 M$ pour soutenir l’immigration francophone
- Le Plan d’action pour les langues officielles 2023-2028 inclut un investissement de 137,2 millions de dollars sur 5 ans pour renforcer le continuum d’immigration francophone : de l’accueil à l’intégration.
Cibles croissantes d’admission hors Québec
- En 2023, 19 636 francophones ont été admis à l’extérieur du Québec (soit 4,7 % des admissions, dépassant la cible de 4,4 %).
- Les objectifs progressent :
- 6 % en 2024
- 8 % en 2026
- La majorité des admissions sont issues de la catégorie économique (15 593), suivie du parrainage familial et des réfugiés.
Adaptations pour répondre aux besoins du marché du travail
- Entrée express a été modifié pour faciliter l’accès des francophones et bilingues qualifiés.
- Le Programme de mobilité francophone a été élargi temporairement pour deux ans (hors agriculture).
➤ 1 324 permis de travail approuvés en 2023, contre 876 en 2022.
Services et soutien accrus à l’intégration
- 64 % des nouveaux arrivants francophones ont utilisé des services d’établissement en français en 2023-2024, contre 51 % en 2019-2020.
- Le Programme de formation pour le parrainage privé des réfugiés a été renforcé.
- L’Initiative des communautés francophones accueillantes est renouvelée et élargie à partir de 2024 après des consultations positives dans les 14 collectivités pilotes.
Source : Canada.ca – Radio-Canada
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