Au lieu de préparer sa classe pour la rentrée scolaire, Cléa Guérin, enseignante française installée à Montréal, doit préparer ses valises. En août dernier, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) a refusé de renouveler son permis de travail faute de certificat de sélection du Québec (CSQ). Résultat : elle a 90 jours pour quitter le pays, malgré la pénurie d’enseignants qui frappe de plein fouet les écoles québécoises.
Son histoire, rapportée par La Presse, incarne les contradictions d’un système où des travailleurs qualifiés et intégrés se retrouvent brutalement écartés à cause de réformes successives et de procédures trop rigides.
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Un engrenage administratif
Le parcours de Cléa ressemble à celui de beaucoup d’étrangers : arrivée avec un permis temporaire (PVT ou Jeune pro via EIC), elle trouve rapidement un emploi, fait reconnaître ses compétences et obtient le droit d’exercer dans une école montréalaise. Mais à l’échéance du permis, il faut trouver une solution pour rester en poste.
Les employeurs, pourtant satisfaits et désireux de la garder, rechignent à recourir à une EIMT + CAQ. Pour certains, c’est trop long, trop coûteux, trop complexe; pour d’autres, c’est tout simplement impossible à cause des suspensions imposées dans certaines régions comme Montréal et Laval. Ces « positions de principe » privent le marché de travail de ressources déjà formées.
La douche froide du 5 juin
Pendant deux ans, l’objectif de Cléa était clair : décrocher un CSQ via le Programme de l’expérience québécoise (PEQ). Mais le 5 juin 2025, le gouvernement suspend le programme. « La douche froide », dira-t-elle.
Restait le Programme de sélection des travailleurs qualifiés (PSTQ), ouvert graduellement à partir du 1er juillet. L’espoir renaît, mais il s’agit d’un système à pointage. Cléa dépose sa déclaration d’intérêt… sans être certaine d’obtenir une invitation. Son avenir se joue à quelques cases dans un barème.
Le couperet tombe
En parallèle, son permis fédéral touche à sa fin. Une demande de prolongation via le PMI est déposée, dans l’attente qu’Ottawa lui accorde assez de temps pour que Québec statue. Mais avant même qu’elle ait une chance, le refus tombe : fin du droit de travailler, chômage forcé, valises à préparer.
« Je pensais être dans un métier où on avait besoin de moi », confie-t-elle, résignée, alors que Montréal cherchait encore des centaines d’enseignants.
L’analyse de Me Alexandre Hénaut
Pour Me Alexandre Hénaut, l’avocat qui a accompagné Cléa, son cas est révélateur d’un problème structurel. De nombreux travailleurs étrangers temporaires au Québec se retrouvent piégés à l’expiration de leur permis. Arrivés souvent avec un PVT ou un Jeune Pro, ils trouvent rapidement un emploi, font reconnaître leurs compétences et s’intègrent pleinement. Mais lorsque le permis touche à sa fin, tout se complique : les employeurs, malgré leur volonté de les garder, refusent ou ne peuvent pas déposer de demandes d’EIMT et de CAQ dans le cadre du PTET, jugées trop lourdes ou bloquées par des suspensions régionales.
Les couples concernés tentent alors de « gagner du temps » : statut conservé, demandes de prolongation, espoir d’un CSQ via le PEQ après 24 mois de travail… jusqu’à ce que le programme soit suspendu le 5 juin 2025. Restait le PSTQ, entré en vigueur en juillet, mais basé sur un système à pointage incertain. Résultat : beaucoup déposent une déclaration d’intérêt sans être invités.
Entre-temps, les permis expirent. Les demandes de prolongation via le PMI ne suffisent pas toujours, et le couperet tombe : fin du droit de travailler, chômage forcé, avenir remis en question.
Cette réalité, vécue par des centaines voire des milliers de personnes, illustre la fragilité des projets de vie bâtis au Québec et les contradictions d’un système qui, malgré les besoins criants de main-d’œuvre, laisse repartir des travailleurs déjà intégrés.
Une contradiction qui coûte cher
Le cas de Cléa, rapporté par La Presse, n’est pas isolé. Derrière les sigles (PEQ, PSTQ, CSQ, EIMT, CAQ), il y a des vies bouleversées et des employeurs démunis. Former un remplaçant prend du temps et coûte cher, alors que des candidats expérimentés sont déjà là.
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