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Retour de vacances

Salut la gang,

Me voilà de retour dans ce bon vieux Québec après quelques semaines de vacances passées dans mon île natale dans le Pacifique Sud. La première partie de cette chronique a été écrite durant mes derniers jours en Nouvelle-Calédonie et la seconde une fois rentré au Québec.

La chaleur devient de plus en plus difficile à supporter : le froid hivernal québécois vient presque à me manquer et je me surprend à me trouver très sincère en pensant cela. J’achève mes six semaines de vacances ici, une semaine pour chaque année d’absence. Alors que j’arrive chez mes parents après avoir acheté des derniers cadeaux pour des amis au Québec, je suis surpris de trouver mon père m’attendant sous un des arbres de letchis : d’habitude, à cette heure-ci, il fait sa sieste quotidienne. Il me regarde et me dit simplement : « alors, c’est bien le Québec ? ». En six semaines, nous ne sommes pratiquement jamais parlés lui et moi. Non pas qu’on s’évitait, simplement que tout passe dans le regard entre nous deux : on ne s’est pas souvent compris mais on a compris qu’on s’aimait tendrement. Alors se parler devenait presque superflu comme si l’essentiel était déjà su dans notre relation. J’ai appris à composer avec cela au point même d’en hériter dans mon attitude. Appris aussi à me contenter de sa petite tape sur mon épaule et de la fierté muette dans son regard car c’est sa façon de m’exprimer son amour paternel. De fait, je ne sais que répondre à sa question. Je finis par sortir une réponse aussi concise que sa question : « j’y suis heureux papa » avec un sourire coincé. Un autre sourire se dessine sur son visage, mais franc et épanoui à l’inverse du mien, et il s’en va rejoindre ma mère dans leur chambre (climatisée). Il a su ce qu’il voulait savoir et j’ai presque l’impression de le voir s’éloigner le pas léger malgré sa soixantaine bien sonnée.

Tout ce qui est vieux pour ma famille et mes amis est nouveau pour moi. Ce sont les découvertes habituelles surtout à mon âge où, généralement, on construit sa vie : untel est devenu papa, l’autre construit sa maison ou telle autre est devenu cadre supérieure dans l’administration publique. Ça fait très « Place des Grands Hommes » de Bruel : moi je préfère « Pour la vie » du même chanteur car cette chanson reflète davantage mon sentiment. Avec mes amis, j’en ai passé des soirées à refaire le monde que nous n’avions plus eu le plaisir de refaire depuis si longtemps. La Nouméa de mon enfance s’est transformée : le manguier où j’allais chaparder des mangues a été remplacé par un stationnement ; la vieille maison coloniale où j’allais sonner avec un copain du collège après les cours pour nous sauver ensuite en courant a disparu également au profit d’un immeuble à bureaux ; la rivière où nous allions camper a été transformée en réserve naturelle où il est désormais interdit de s’y baigner. Économiquement, ces changements étaient inévitables et mêmes souhaitables pour le développement de l’île. Personnellement, je ne peux réprimer ma tristesse surtout lorsqu’un de mes neveux m’avoue qu’il n’a jamais chapardé une mangue, bien trop occupé qu’il est à envoyer des SMS sur son cellulaire : autres temps, autres mœurs, life goes on with or without you.

Il y a pourtant des choses qui n’ont pas changé : que je parte deux jours en brousse (ce qu’on appellerait la campagne) ou simplement pour aller au restaurant avec des amis, ma mère me sort encore son commandement qui m’apparaît aussi vieux et inaliénable que ceux reçu par Moïse sur la Montagne : « bois pas trop, fais attention sur la route et ne rentre pas trop tard ». Le plus extraordinaire, c’est qu’elle me dit cela depuis quinze ans (et au téléphone depuis que je suis au Québec) mais jamais je ne l’ai entendu me le dire de manière mécanique : à chaque fois, j’ai senti son amour et son inquiétude de maman. Sinon, ce sont aussi dans la douceur de la journée qui s’achève, des notes de musique sorties d’un yukulélé quelque part dans le quartier qui me parviennent aux oreilles : une fête est en train de se commencer doucement avec la bénédiction des étoiles qui apparaissent doucement dans le ciel. Mon père se met alors à ronchonner se plaignant par avance du bruit de la musique quand il ira dormir. Au lieu de recevoir mon approbation, il voit mes yeux embués de larmes : le yukulélé dans la nuit naissante et le voir se plaindre, c’est une partie de mon enfance qu’il vient de faire revivre sans le vouloir et j’en suis heureux.

Me voilà de retour à Sherbrooke depuis lundi après-midi, après 31 heures d’avion (Nouméa – Tokyo – Paris – Montréal avec Air France puis avec Air Transat). Les au revoirs furent, évidemment, très difficiles à l’aéroport. Un de mes beaux-frères, joueur de guitare et fêtard de premier ordre devant l’Eternel, prend cette voix grave et solennelle que je ne lui ai jamais connu pour me dire au revoir. Mes meilleurs amis sont là – Manu, JC, Dan et Pash – et l’émotion aussi mais, comme toujours, cette même émotion va se décanter progressivement par mail voire par téléphone directement dans quelques jours. Je serre tendrement dans mes bras Leslie, ma nièce de 25 ans, la plus âgée des dix petits-enfants de mes parents. Elle et moi avons passé beaucoup de temps ensemble ces dernières semaines : la dureté qu’elle a connu jusqu’à maintenant dans sa vie n’ont en rien entamé la fraîcheur de ses mots et la franchise de son regard. Ma mère m’embrasse avec douceur et me répète au moins cinq fois que si pour être heureux, je dois être loin d’elle alors qu’il en soit ainsi car elle m’aime suffisamment pour vouloir d’abord mon bonheur avant le sien. Elle laisse ensuite le privilège du dernier moment à mon père : il me tapote l’épaule et se met à pleurer. Je craque et je pleure avec lui mais, encore une fois, lui et moi sommes incapables de nous serrer dans les bras.

Je n’ai pas manqué de dire au revoir au Pacifique en buvant un peu de son eau salée et en lui volant un peu de son sable. Admiré une dernière fois le sourire d’une petite mélanésienne en train de jouer. Serré une dernière fois contre moi une calédonienne dans la chaleur d’une biguine. Mis une fleur de tiaré à mon oreille gauche (côté du cœur) pour montrer que mon cœur est pris, d’une façon ou d’une autre. Repensé pour la énième fois au Québec que je vais vite retrouver et je me suis alors trouvé moins idiot avec mon manteau sous cette chaleur accablante : une fois à Dorval, il me sera précieux. Les voix, les rires et le sourire de chaque membre de ma famille et de mes amis m’ont habité durant tout le retour. C’est la partie la moins plaisante de l’aventure pourtant merveilleuse à mon sens de l’immigrant : ce tiraillement incessant entre ces deux vies que j’ai, celle en Calédonie et celle au Québec. Je me rappelle alors ces vers du poète Khalil Gibran concernant la joie et la tristesse :

« Lorsque vous éprouvez de la joie, sondez votre cœur et vous trouverez que seul ce qui dans le passé vous a causé de la peine fait à présent votre bonheur. Et dès lors que la tristesse vous envahit, sondez de nouveau votre cœur et vous verrez qu’en vérité vous pleurez sur ce qui vous a rendu heureux autrefois »

Il est vrai que ce qui me rend heureux est ce qui me rend le plus triste aussi, comme les deux faces du même médaille. Triste de quitter mes attaches calédoniennes mais diablement heureux de retrouver mes attaches québécoises. Cependant, un sentiment bizarre depuis que je suis rentré ; sentiment que je n’arrivais pas à clarifier jusqu’à ce que je vois une amie très chère hier mardi. En me voyant arriver, elle me dit : « Oh, toi t’as la face du gars qui a plutôt l’air d’avoir juste quitté son chez lui plutôt que d’être rentré chez lui, au Québec …. ». Je ne sais encore comment interpréter son intuition, préférant laisser passer quelques mois, le temps que la poussière retombe, pour y voir un peu plus clair. Je retrouve peu à peu mes repères de ma routine sherbrookoise : taper le NIP de ma carte de débit me demande encore un effort de réflexion ; je me fais rappeler deux à trois fois quelques procédures au travail ; mon regard tombe souvent dans le vague alors que je suis en train de faire l’épicerie et reste debout immobile au milieu des autres clients ; sors de chez moi en gougounes et sans manteau (et revient rapidement en sacrant pour m’habiller plus adéquatement !). C’est normal évidemment comme attitudes de réadaptation, même très amusants (enfin, sûrement pas pour le gars du dépanneur qui commençait à me regarder avec suspicion en me voyant hésiter à taper mon NIP hi hi). La grande différence, c’est que je sais maintenant ce que je perds et ce que je gagne autant en restant au Québec ou en quittant la Calédonie. Ce voyage initiatique a su tenir toutes ses promesses ; mêmes celles que je n’avais pas faites. Dans l’avion, je n’ai pas trop réalisé ce que je laissais derrière moi car j’étais enfermé entre ciel et terre en ne voyant que des nuages par mon hublot. À ma première escale à Tokyo, je n’ai pas réalisé non plus car j’y ai croisé beaucoup de calédoniens. Ce n’est qu’à Charles-De-Gaulles, dans la froideur des cinq heures du matin que je me suis mis à pleurer de nouveau. Papa, j’avais tellement envie de sentir ta main sur mon épaule à ce moment-là ….

C’est l’heure des bilans maintenant. « Agis pour être heureux » m’ont rappelé sans cesse Dan et Pash. Je me rappelle alors mon admiration pour mon amie Natacha, orpheline à 20 ans et qui maintenant se fait construire sa maison seule avec une belle carrière devant elle. JC dont les yeux s’illuminent lorsqu’il me parle de sa petite Margot et de la plantation de café dont il rêve. De l’optimisme inaltérable de Manu qui vit un peu la même situation que moi à titre de métropolitain expatrié en Nouvelle-Calédonie. De l’insouciance de mon neveu Cédric dont la principale préoccupation existentielle, du haut de ses magnifiques 17 ans, est de draguer toutes les filles qu’il croise. Agir pour être heureux, cela résonne en moi comme un écho me disant que l’expérience n’est pas ce qui m’arrive mais bien ce que j’en fais de ce qui m’arrive. D’où le bilan que je dois faire pour savoir ce que j’en fais de toutes ces émotions et de ce tiraillement entre mes deux vies dans la perspective d’être heureux. À 30 ans, j’entame ma huitième année d’expatriation loin de mon île et je commence à être fatigué. Le jeune impétueux avide de découvrir ce monde fascinant au-delà de son lagon a été comblé et continue de l’être. Le Québec me charme toujours autant, comme si j’avais retrouvé une maîtresse qui pensait m’avoir perdu pour une quelconque sirène du Pacifique. J’ai tôt fait de la rassurer en allant me promener dans un de ces bois dont l’Estrie a la générosité d’offrir abondamment. J’ai alors accompli un de ces petits rituels que j’aime faire dans certaines occasions : l’avant-veille de mon retour au Québec, j’ai soupé avec un cercle restreint d’amis et j’ai alors saisi la petite nappe rectangulaire en papier sous mon assiette en les invitant à écrire un mot et tout le monde a enchaîné. J’ai lu à haute voix leurs mots d’amour et d’amitié au milieu des arbres décharnés assis dans la neige ; cela m’a fait un bien fou. Merci la vie de m’avoir offert la Calédonie et le Québec. Gilles, vivement mercredi prochain en maudit !

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