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Retour aux sources

Alors, voilà. Lorsque vous lirez cette chronique, je serai probablement quelque part au-dessus de la Russie ou en escale à l’aéroport de Narita au Japon. Destination finale : Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique Sud à deux milles kilomètres à l’est de l’Australie. Là où je suis né, là où sont mes racines et là où je vais passer les six prochaines semaines en vacances avant de revenir au Québec. Probablement même que je serai déjà arrivé qui sait – ça dépend quand ma chronique sera publiée – dans un état très comateux après presque trente heures d’avion (entrecoupées de deux escales quand même).

Une expression néo-calédonienne dit « qu’on peut sortir un gars de son île mais on ne peut pas sortir l’île du gars ». Après sept ans d’absence, force est de constater que, dans mon cas, cette phrase est toujours vraie bien que je considère que ma vie est maintenant là-haut, tout au nord quelque part en Estrie. Parce que je dois tant au Québec et je sais que lui et moi, on a encore bien des choses à se dire et à se partager. Alors, pour le remercier, quoi de mieux que d’appeler ses artistes pour bien faire les choses, n’est-ce pas ? Ces derniers, en effet, m’ont si souvent rappelé à ma réalité et à ma force intérieure dans tous les choix, épreuves et joies que j’ai connu depuis que je suis arrivé au Québec et même bien avant. Par leurs mélodies, mon cœur a su y répondre en écho comme s’il avait enfin réussi à mettre des mots sur ce qu’il pouvait ressentir. Lorsqu’on me pose la question, je réponds souvent que mon immigration au Québec est un accident. Après, tout dépend du sens qu’on attribue à ce mot : le plus souvent, un accident a une connotation négative. Parfois, on réalise que ça avait, finalement, vraiment du bon. Que du bon en fait dans mon cas (je touche du bois !). Accident parce que je n’ai jamais planifié de venir au Québec : ce n’est qu’une fois dans la Belle Province que le désir d’y rester s’est graduellement ancré en moi. Un peu comme une plante que j’aurai arrosé chaque jour et qui a grandi tranquillement dans un coin de mon esprit et de mon cœur surtout. Lorsque j’ai quitté mon île il y a quelques années, j’aurai voulu dire à mes parents qu’il est grand temps pour moi de « filtrer mon passé et sortir mes vidanges et j’aimerai prendre le temps de faire la paix avec quelques souffrances » (Kevin Parent « Seigneur »). Mais je ne pense pas qu’ils auraient compris le véritable sens de mes mots. À dire vrai, c’est plutôt moi qui n’aurait pas eu le courage de leur dire ça, redoutant tellement de lire de l’incompréhension dans leur regard de parents persuadés d’avoir fait correctement leur job avec moi.

J’ai donc fait le choix de partir ou plutôt de fuir, espérant qu’en mettant le plus de distance entre ce que je n’arrivais pas à regarder en moi et moi-même suffirait pour se sentir mieux. J’aurai dû me rappeler ces mots : « Je t’enverrai juste une carte postale, tu sauras que je suis allé bien loin pour apprendre que c’était fatal : tout ce qu’on cherche à fuir nous revient » (Luce Dufault « quand on s’en va pour oublier »). Et c’est exactement ce qui m’est arrivé : tout ce que j’ai cherché à fuir, je l’ai retrouvé un moment ou à un autre durant mes pérégrinations. L’illusion était trop belle et facile de croire qu’en plaquant tout, je repartais à zéro, m’achetant ainsi une nouvelle conscience comme une paire de jean’s sale qu’on met dans la laveuse en s’attendant à ce qu’elle ressorte propre. Mais en fuyant, j’ai fait le premier pas pour retrouver la paix et « j’ai dit à mon passé laisse moi vivre demain ; si je dois m’envoler surtout n’empêche rien ; je brûle mon présent seulement pour exister : la vie ça paye comptant j’en mettrai pas de coté » (France d’Amour « je n’irai pas ailleurs »). Bon, n’allez pas croire que j’ai vécu des tragédies : j’avais ma croix à porter comme tout le monde et elle n’était pas plus lourde que celle de mon voisin. Elle me paraissait simplement à l’époque tellement encombrante sur mes épaules que je n’étais plus capable d’avancer avec un minimum de sérénité dans chacun de mes pas. À ce moment-là, je ne savais pas trop où je m’en allais et je m’inquiétais de trouver un endroit où me reconstruire tranquillement et je fantasmais presque d’avoir toute ma vie si facilement transportable dans deux valises. Je repense souvent à ces moments troublants lorsque j’entends : « D’ailleurs, c’est là que tu vis. Ailleurs, c’est là que tu t’enfuis. T’as pas d’chez-toi ou t’en as mille. D’ailleurs, c’est pour ça qu’tu t’exiles » (Lynda Lemay « Ailleurs »).

Le Québec a été quasiment un lieu d’accueil accidentel pour moi. Au point qu’aujourd’hui, je peux dire avec sérénité que « j’ai fait mes choix, je vis avec » (Gaston Mandeville « Je vis avec »). La paix a été refaite dans un sens, comme si j’avais appris que pour être heureux, il me fallait d’abord apprécier ce que je reçois de la vie avant d’espérer obtenir ce que je désirais. Maintenant, mon île m’appelle et je veux lui répondre car « je veux rêver à mon enfance et désirer y revenir ; Je veux rêver à des vacances sur la terre de mes souvenirs » (Bruno Pelletier « loin de chez moi »). Aussi, « je voudrai voir la mer » (Michel Rivard « je voudrai voir la mer ») et cette pensée se fait doucement de plus en plus insistante en moi …. Revoir « mon » Pacifique dont je goûterai avec délice sa salinité dans ma bouche et sa brûlure sur ma peau.

Oui, des vacances pour me ressourcer de ma famille que je n’ai pas sentie, touché et entendu depuis si longtemps, trop longtemps. Je suis convaincu que l’immigrant vivra toujours avec un tiraillement intérieur, la tension émotionnelle d’être toujours à cheval sur la clôture qui sépare ces deux vies : celle où la vie l’a fait naître et celle où il a choisi de continuer à grandir dans sa vie tout court. J’ai compris que je ne pourrai jamais résoudre cette tension en l’affrontant : jamais je ne pourrai avoir au même moment et au même endroit tous ceux que j’aime et tous les endroits qui me ravissent. Alors, je porte tout cela en moi, dans mon cœur comme le voyageur porte toute sa vie dans son baluchon. Dans mon cas, il est grand temps de donner un peu plus de place à ma vie qui m’a fait naître …. pour mieux revenir grandir dans ma vie québécoise. Maintenant que j’approche de la Nouvelle-Calédonie, je la verrai par les hublots de l’avion et je lui dirai « souris Terre Natale, souris car demain, ton enfant revient » (Éric Lapointe « Terre Promise »). Sûrement qu’à ce moment-là, ivre d’excitation à l’idée de revoir famille et pays, je serai dans un état second. Je me rappellerai alors ces mots : « pour un instant, j’ai oublié mon nom… Ça m’a permis enfin d’écrire cette chanson… Pour un instant j’ai retourné mon miroir… Ça m’a permis enfin de mieux me voir… » (Harmonium « Pour un instant »). Je redécouvrirai alors mon île et aurai certainement ce regard neuf de l’immigrant malgré le fait que j’y sois né. Oui, le sentiment d’être désormais depuis plusieurs années à cheval sur la clôture de ma vie sera très fort et je ne sais pas comment je vais gérer cela : je me fais en effet l’impression du petit gars qui revient dans son petit village de campagne et qui SAIT maintenant qu’il existe autre chose par-delà les champs, là-bas, de l’autre côté de l’horizon. Savoir que je sais cela, ça fait toute une différence dans la mesure où même si je sais pertinemment que j’appartiens à mon île, je n’en suis plus prisonnier aujourd’hui : hors de la Calédonie, le salut est là. Ça a pris une maudite secousse pour que je le vois mais c’est fait !

Je n’y pense pas encore bien évidemment, mais l’heure du retour au Québec sonnera dans quelques semaines. Je ne pouvais donc décemment pas passer à côté de ces paroles de Charlebois dans ma chronique tant elles illustrent si bien mon état d’esprit et tout ce que je ramènerai au Québec de retour du Pacifique. Vous l’aurez deviné …. Fin janvier, « je reviendrai à Montréal dans un gros boeing bleu de mer » (Rober Charlebois « je reviendrai à Montréal »). Bleu comme l’océan Pacifique bien sûr mais bleu également comme le ciel sans nuage d’une magnifique journée d’hiver ensoleillé au Québec où la neige qui craque sous les pas nous aveugle de sa blancheur immaculée.

Finalement, j’aimerai laisser le mot de la fin à un monument de la chanson québécoise. Par-delà les océans et même le temps, cette expérience du retour aux sources me fait réaliser combien les concepts de pays et de frontières m’apparaissent désormais quelque peu dépassés : je crois aux particularités culturelles car elles témoignent de l’épanouissement du vivant dans chaque coin de notre planète mais c’est leur faire violence que de leur imposer des limites d’ordre administratives. Et nous tous, à titre d’immigrants, nous faisons exploser ces limites par nos tribulations, que ces dernières se fassent avec un baluchon ou avec une guitare :

« Je n’ai pas vu toutes les merveilles de ce monde,
Mais j’ai certainement vu la plus belle de toutes,
Et c’est mon pays.
Où que j’aille sur cette terre,
Je l’emporte avec moi dans ma guitare »

Félix Leclerc

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