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vendredi , 19 avril 2024
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Visite… Aujourd’hui, je vais chercher…

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Visite….

Aujourd’hui, je vais chercher ma mère à l’aéroport. C’est la première fois qu’elle met les pieds sur le continent américain, et donc, à fortiori, au Québec. J’attends ce moment avec impatience. A travers ses yeux, j’espère revivre les sentiments qui m’ont habités il y de cela 5 ans, lorsque j’ai moi-même visité ce coin du monde pour la première fois. Je dois dire qu’à présent, je me sens un peu comme chez moi ici, et je me suis accoutumée à beaucoup de choses, à l’immensité des paysages, à la gentillesse des gens, aux grosses voitures, à la neige l’hiver, et même à mon Internet bas débit…. Je me surprends parfois à considérer que de vivre dans un chalet au bord d’un lac est la chose la plus naturelle du monde, et que le ciel a toujours été piqueté de milliards d’étoiles dont on ne voit pas la moitié en France à cause des lumières de la civilisation. J’ai peur de me lasser de ces choses devenues presque banales, j’ai peur d’être blasée, et j’ai peur de ne plus me souvenir pourquoi je suis partie. Bien sûr, je n’en suis pas encore à ce stade ! Mais je me méfie du glaive de la lassitude, toujours suspendu au dessus de nos têtes, et dont la corde qui le retient au firmament s’effiloche un peu chaque jour, jusqu’au jour où : Vlam !, il tombe.
(Claude…. Si tu me lis….)

Donc, en ce jour pas banal, je débarque à l’aéroport avec mon petit chien dans les bras. Je dois préciser que c’est un chien « de prêt », puisque pour dépanner des amis, j’ai eu la chance de le garder pendant 3 jours. Mais j’avais juste oublié que les chiens, ici au Québec, ne sont pas vraiment admis dans les lieux publics…. Même s’ils ont été bien éduqués, qu’ils font leurs besoins dans le caniveau, qu’ils ne sèment pas leurs poils partout, et qu’ils n’aboient pas, c’est comme ça. On ne comprend pas vraiment ce besoin de les emmener partout avec soi.
Cependant, je décide de tenter ma chance. Je fais les yeux doux à un agent de sécurité, et ma petite Canelle, comme si elle avait compris l’importance de l’enjeu, le gratifie en même temps de sa plus belle mine. L’agent de sécurité craque devant la trogne de mon toutou, et ça passe….

Peu de temps après, j’aperçois ma mère. Emotion, embrassades… L’histoire peut commencer.

Acte 1 :

Ma mère s’extasie devant mon petit chien.
– « Oh !! Que tu es mignon !! Alors comme ça, tu es un chien canadien ? Mais…. Tu comprends le français quand même ?? »….
Bon…. Ben y a du boulot….
– « M’man…. C’est un chien québécois…. Alors il comprend le français avant tout…. »
Je remarque d’ailleurs que ma mère mélange allègrement le Canada et le Québec, le provincial et le fédéral, les anglais et les anglophones, le pays, les provinces et les régions…. elle ne comprend pas non plus ce que la reine d’Angleterre vient foutre dans l’histoire….
Pendant le trajet qui nous ramène chez moi, et avant qu’elle se retrouve face à mes voisins et/ou amis, indépendantistes pour la plupart, je lui fais donc un rapide exposé géographique et politique.

Bien sûr, elle adore mon chalet au bord du lac. Elle trouve que ça fait chalet de vacances, mais se demande bien comment on peut vivre ici à l’année longue. Elle reste médusée devant l’immensité des paysages, s’inquiète un peu de ce que je suis venue faire ici, et où je vais bien pouvoir trouver mes futurs clients au milieu des bois. Les arbres sans feuille à perte de vue, elle trouve même ça carrément sinistre. Le hurlement d’un loup dans le lointain lui rappelle que le nombre d’habitant au kilomètre carré ne justifie pas leur extermination totale, et nos promenades dans les bois se terminent généralement au pas de charge, de peur qu’on finisse par se faire bouffer. Le désordre architectural la laisse perplexe. Elle n’aime ni la forme des maisons, ni leurs couleurs…. Les gros motels au bord des routes lui semblent odieux. La taille des camions l’impressionne, et leur façon de nous coller aux fesses à 120 km/h sur la 117 lui fait carrément peur. A chaque fois que mon 4X4 s’écrase dans un chaos de la route, c’est dire à peu près toutes les 30 secondes, elle pousse un petit cri d’effroi, en pensant à mes pauvres amortisseurs….
Je sens bien que pour l’instant, elle n’accroche pas vraiment avec mon pays d’adoption….

Acte 2 :

Le temps est radieux. Affalées sur ma terrasse au soleil, nous buvons une coupe de champagne accompagnée de toasts au foie gras… La neige disparaît tranquillement, on aperçoit les premiers trous d’eau libre sur le lac. Les écureuils sont sortis de leur trou et fouinent partout à la recherche de nourriture. Le calme règne, on entend rien si ce n’est le chant des oiseaux. Ma mère commence à trouver que finalement, on est pas si mal ici….
Je la traîne partout avec moi. Je lui présente mes amis, et les amis de mes amis. Tout le monde veut la connaître, et se plie en quatre pour lui faire goûter quelques plats typiques : Ragoût de boulettes, ragoût de pattes de cochon, tourtière, tarte au sucre…. Tandis qu’elle s’indigne devant chaque portion qui pourrait, selon elle, nourrir un régiment entier, je constate en rigolant que son assiette est toujours vide….
Apprenant que ma mère est chef de chœur en France, ma copine Lucie l’entraîne avec fierté à une répétition de la chorale de Ferme-Neuve, petit village d’environ 4 500 habitants. Ma mère en revient enchantée, et raconte aux écureuils attentifs que la petite chorale de Ferme-Neuve est capable de rivaliser avec les plus grandes…. Elle écoutera le CD en boucle pendant toute la soirée, en se demandant bien comment elle pourra amener sa propre chorale à chanter le Tourdion avec autant de perfection….
Le jour suivant, lors d’une promenade dans les bois, nous apercevons un orignal qui s’éloigne tranquillement en nous tournant le dos. Ma mère commence à trouver que finalement, le paradis peut éventuellement s’accommoder de quelques motels hideux au bord des routes nationales.
D’ailleurs, elle s’habitue tellement bien à l’architecture que les jolies maisons se mettent tout à coup à fleurir au bord des routes…. Même les arbres ne semblent plus aussi sinistres depuis qu’ils se reflètent dans l’eau libre des lacs. L’herbe apparaît dans les champs, elle verdit un peu plus chaque jour, et je sens que ma mère se laisse gagner par la fièvre québécoise du printemps qui se fait attendre. Un matin, je la surprends même une pelle à la main, en train d’étaler le restant de neige dans mon jardin pour qu’il puisse fondre plus vite.
Je comprends que, petit à petit, elle se laisse envahir par la magie du pays et de ses habitants….

Acte 3 :

Quinze jours ont passé.
Ma mère vient de me donner un cours sur l’histoire du Québec, qu’elle a pioché dans un guide touristique.
C’est moi qui, à présent, pousse un cri d’effroi lorsque je me laisse surprendre par un chaos de la route. Assise à la place du passager, ma mère grommelle parce que je l’ai fait bouger et que la photo du motel et du camion va être ratée.
Elle a déjà choisi son petit coin de pays, mais elle hésite encore entre acheter une jolie petite maison qu’elle a repéré pas très loin, ou bien acquérir un bout de terrain de chasse pour le reconvertir en réserve faunique….
Elle évoque la possibilité de quitter l’éducation nationale et de se reconvertir en professeur de chant ou en guide de randonnées pédestres.
Tous les jours, elle suit de près l’évolution de la fonte des neiges. Elle repère l’avancement de l’eau libre sur le lac. Elle espère voir sortir les premiers bourgeons avant son départ. D’ailleurs, quel départ ? Elle ne veut déjà plus partir….
L’avant dernier jour, nous sommes attendues au Centre Collégial de Mont-Laurier pour la remise des prix du concours québécois en entrepreunariat. J’avais été inscrite d’office à ce concours par le Centre Local de Développement, qui pensait que j’avais une chance d’y faire bonne figure avec mon projet de centre équestre. La salle est comble. C’est rigolo, on se croirait à la remise des Oscars. Les deux présentateurs énumèrent les nominés dans chaque catégorie, avant d’annoncer en grande pompe le nom du vainqueur.
Dans ma catégorie, nous sommes quatre à avoir été nominés. S’ensuit le roulement de tambour…. Et le nom du vainqueur apparaît sur l’écran géant…. Windigo Découverte vient de remporter le premier prix ! Encore abasourdie, je m’avance vers l’estrade pour recevoir mon prix. Je serre quelques mains, je reçois mon diplôme accompagné d’un chèque de 300 $ et je bafouille un petit discours de circonstance, avant de me plier aux volontés des paparazzis envoyés par le journal local…. Quelle consécration ! Je retourne à ma place et je constate que ma mère vient de fondre en larmes…. Elle vient de comprendre pourquoi j’ai choisi ce pays merveilleux, qui sait si bien donner leur chance à ces immigrants tout juste débarqués de leur lointain pays et qui ne savent même pas encore prononcer correctement le mot « tabernacle »….

Epilogue :

Je ramène ma mère à l’aéroport. Dans sa valoche qu’elle tire tristement jusqu’au comptoir d’enregistrement, les cannes de sirop d’érable côtoient la recette du pudding chômeur. Elle me parle déjà des dates de son prochain voyage, me charge d’aller visiter pour elle la petite maison à vendre qu’elle a repérée, et s’envole pour la France, en réfléchissant à la possibilité d’un échange de chorale entre le Virelai de Noyon et le Tourdion de Ferme-Neuve.
Quant à moi, je retourne vers mon chalet, mon lac et mes chevaux, le cœur léger, heureuse de constater qu’une fois de plus, le Québec a su se faire aimer, même en plein mois d’avril….

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